Après avoir vu quand et comment attaquer d’estoc et de taille, nous poursuivons notre analyse de l’escrime de Di Grassi en regardant les différentes façons qu’il conseille pour se défendre. Il dédie un chapitre complet à celles-ci nommée “Des façon de défendre” que vous retrouverez sur la page contenant la traduction complète de la partie théorique et de l’épée seule.
Selon lui, il n’y a que trois façons de se défendre :
- En s’opposant à la lame adverse et ripostant.
- En frappant d’estoc lors de l’armement de la frappe adverse.
- En sortant de la ligne pour éviter la frappe.
La parade – riposte
Il s’agit de la façon la plus simple de se défendre, on s’oppose à la lame adverse et on riposte d’une frappe, cependant Di Grassi affirme que beaucoup d’escrimeurs réalisent cette défense d’une mauvaise manière, car il recule d’un pas ou du corps dans la parade, ce qui a deux conséquences :
- On rencontre l’épée adverse là où elle a le plus de force, son faible.
- Il est nécessaire d’avancer ensuite afin de riposter, ce qui nous fait perdre du temps et donc laisse au passage du temps à l’adversaire pour offenser.
Il nous décrit ensuite la bonne façon de faire qui est :
- Sur un coup de taille : marcher d’un pas oblique du pied gauche pour rencontrer l’épée sur son fort
- Sur un estoc : battre l’épée adverse sur le côté avec le moins de mouvement possible
- Si possible, écarter la vie de la ligne droite
- Riposter avec un pas du pied droit au besoin
Sur une frappe de taille, le but est ici d’aller rencontrer l’épée avec notre fort sur le fort de la lame adverse, car c’est là où elle possède le moins de force, on le fait donc en cassant la distance sur la frappe adverse. On retrouve ici la définition sur l’utilisation des différentes parties de l’épée que Di Grassi nous a donnée plus tôt :
De l’épée
[…]
Les deux autres parties, la première et la seconde, nous les utiliserons pour les défenses parce qu’en tournant peu elles ont peu de force pour frapper, mais elles sont plus fortes pour résister à la poussée, car elles sont les plus proches de la main.
Contre un estoc, il n’est pas nécessaire d’avoir de la force, une simple poussée latérale permet d’écarter la lame adverse, il faut ici faire attention à ne pas trop écarter celle-ci, car l’adversaire pourrait alors revenir frapper de l’autre côté ou faire une cavation par exemple.
Di Grassi considère cette manière la plus sûre et la plus rapide, et donc celle la plus utilisées, ce qui est confirmé par le tableau dans la partie suivante où l’on constate qu’il décrit majoritairement des parades de ce type. On notera aussi que ce type de défense peut se faire en deux temps comme un en temps.
Enfin, on retrouve ici le conseil de Manciolino sur les parades dans son introduction :
Et en réalité, les parades doivent se faire en allant en avant et non en arrière afin d’être capable de mieux atteindre l’ennemi et aussi d’affaiblir son coup qui nous arrive. Parce qu’en te frappant de près il ne pourra te nuire qu’avec la partie arrière de l’épée qui va du milieu à la garde et cela sera beaucoup moins douloureux qu’avec la partie avant.
La frappe pendant l’armement
La seconde façon de parer est la raison principale pour laquelle Di Grassi déconseille l’utilisation des coups de taille. Si pendant l’armement de ceux-ci qui demande à faire tourner la pointe de l’épée vers l’arrière, nous sommes dans une bonne position, c’est-à-dire avec la main déjà préparée et donc pas sur l’avant, et que nous sommes à bonne distance, c’est à dire dans la mesure de pouvoir toucher l’adversaire avec un seul déplacement, nous pouvons frapper d’estoc lors de l’armement adverse, car notre épée frappera avant celle de l’adversaire.
Cette défense se réalise aussi contre les coups d’estoc tiré en plusieurs temps, c’est-à-dire que l’opposant à besoin d’abord de tirer sa main un peu à lui avant de pousser son estoc. Dans ce cas, il faudra pousser notre estoc dans le moment où celui-ci retire sa main.
On s’aperçoit tout de suite de la complexité de cette parade qui demande une très bonne gestion de la distance, du temps et des déplacements. On retrouve ici en partie ce que Viggiani décrit comme étant l’avantage de l’arrangement en garde.
Enfin, Di Grassi semble indiquer que cette parade fonctionne, car l’adversaire se voyant être touché met fin à son attaque et se retire. On constate ici la difficulté de recréer ce genre de situation dans notre pratique moderne.
La sortie de ligne
Cette troisième défense basée sur la sortie de la ligne de frappe de la lame adverse peut être divisée en trois :
- Sortir de la ligne, laisser la frappe adverse nous dépasser et riposter,
- sortir de la ligne tout en s’opposant à la lame adverse et ripostant ensuite,
- sortir de la ligne tout en venant frapper pendant l’armement de la frappe adverse,
Le but principal de cette défense est ici d’éviter la lame adverse grâce à un déplacement, lequel doit nous permettre de sortir de la trajectoire de l’épée adverse afin que même si la frappe arrive à destination nous ne soyons pas touchés.
Il est à noter que Di Grassi parle de fuir d’un côté ou de l’autre et non pas vers l’arrière, ce qui demande une bonne maitrise de la lecture des angles de frappes. il conseille aussi principalement la combinaison de la sortie de ligne avec une des défenses précédentes pour plus de sûreté (cas b) et c)). On notera que le cas b) est celui qu’il désire pour la défense numéro un, car il demande d’écarter la vie de la ligne droite si possible.
Une question de distance
À la vue de ces défenses et des déplacements que chacune nécessite, on peut constater une dépendance par rapport à la distance avec notre adversaire. La première défense nous amène seulement en parade de l’épée adverse sur le premier déplacement et nécessite parfois un second déplacement pour aller porter notre attaque. Dans le second cas, nous devons être capables de pouvoir frapper sur un seul déplacement, la distance de départ sera donc plus proche. Enfin la troisième défense nous offre de multiples possibilités de par la combinaison des défenses pour les b) et c). On pourra tout de même noter que pour le cas a), il faut être à la limite de la distance adverse pour que celui-ci ait l’envie de nous attaquer tout en pouvant nous facilement laisser passer sa frappe et vide et l’attaquer sur un pas, soit une distance qui pourrait être intermédiaire aux deux premières défenses.
Classement des défenses à l’épée seule
Pour terminer cette revue des défenses, voici un tableau comparatif de celles employées selon la frappe adverse depuis une garde donnée pour l’attaquant. Ce tableau couvre toute la partie épée seule de l’« Art véritable ».
Toutes les défenses sont décrites à partir de la garde basse, Di Grassi n’envisageant jamais de se défendre depuis une autre garde.
Défense |
Garde haute |
Garde large |
Garde basse |
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Estoc |
Maindroit |
Revers |
Estoc |
Maindroit |
Revers |
Estoc |
Maindroit |
Revers |
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1 |
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X |
X |
X |
X |
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X |
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2 |
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X |
X |
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X |
XX[1] |
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X |
X |
3.a |
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3.b |
X |
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X |
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3.c |
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On retrouve ici le conseil de Di Grassi sur l’utilisation de la défense d’estoc sur tous les coups de taille. On note ensuite une préférence pour la défense avec opposition qui est la plus sûre, la plus simple et celle qu’il utilise le plus comme il le dit. Enfin, en plus de ne jamais décrire de cibles précises, certains cas ne sont jamais décrits, ces deux éléments sont peut-être liés, il faudrait regarder du côté des autres combinaisons d’armes pour voir si nous les rencontrons.
[1] Di Grassi donne ici la défense numéro 2 réalisée seule ainsi qu’en venant opposer la main gauche à la droite de l’adversaire pour lui faire une prise
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