Traité d’escrime d’Angelo Viggiani dal Montone – Livre 3

Traité de l’escrime d’Angelo Viggiani Dal Montone, Bolonais

Dans lequel il discourt sur l’excellence des armes et des lettres, et au sujet de l’offense et de la défense.

Et enseigne une escrime de l’épée seule sûre et singulière.

Troisième partie

Personnes introduites dans le raisonnement

Le très illustre Seigneur Alvigi Gonzaga dit Rodomonte.

Le très illustre Seigneur Comte d’Agomonte.

Et le très excellent Ludovico Boccadiferro, philosophe.

Rodomonte

Comme nous voulons nous exercer pour une demi-heure, Seigneur Comte, d’abord je souhaiterai que nous soyons assaillis de cette fureur, par laquelle enchantés, Homère, Virgile, l’Arioste et tous les autres très excellents poètes, ont dit des choses supranaturelles ; et par laquelle sont remués tous les lettrés, qui discutant ou lisant, disent des choses rares et excellentes ; et nous autres qui y sommes en conséquence habitués pour faire des coups dignes de Mars ; laquelle fureur nait de la colère.

CON. Comment ? N’est-il pas mieux de se retrouver sans colère ? Parce que [52R] quand l’âme est calme, elle discourt mieux et réussi mieux dans les lettres. Ainsi, aussi dans les armes, l’âme étant plus reposée, le chevalier peut mieux exécuter les coups pensés et appris. Là où la colère nous empêche le discours, elle enlève l’homme de lui-même et le fait œuvrer sans savoir le pourquoi et le comment.

ROD. Si vous me parlez d’une colère furieuse, celle qui enlève l’intelligence et le discours, je ne ferais pas de différence entre un colérique, un furieux, et un animal sans raison. Et je dirai alors qu’elle est nocive et qu’on ne la recherche pas pour notre propos. Mais si on fait une colère tempérée telle qu’elle obscurcit toute une raison, je vous dis qu’elle sera très bénéfique. Parce que la colère est un feu du sang autour de l’âme, laquelle, étant tempéré démarre modérément l’âme, et par conséquent modérément s’améliorent les esprits démarrés qui donnent une meilleure agilité et force à l’âme motivée et font plus rapides toutes les opérations avec sentiment et en dernier dans le discours. Et ainsi on peut dire qu’un peu de colère bénéficie au soldat et aussi à celui veut s’exercer dans les armes.

CON. Cela fut certainement la raison, qu’un jour m’exerçant avec le Seigneur Comte di Mega, agissant d’un peu de la fureur de la colère, j’ai fait deux mandritti tondi l’un après l’autre sans aucune hésitation, tel que l’un ne se soit pas élevé plus que l’autre. Et vous savez bien, Rodomonte, à quel point cela est difficile à faire. Ainsi le Comte est resté émerveillé en disant ne jamais avoir pu le faire bien qu’il ait étudié toutes les caractéristiques de l’épée.

ROD : Le Comte di Mega est stupéfiant si il peut bien s’émerveiller aussi des autres, étant lui un chevalier valeureux comme tous les autres.

CON. En plus, je vous dis aussi que j’ai voulu le refaire et que je n’ai jamais retrouvé la voie pour le faire [52V] une nouvelle fois. Néanmoins, je me suis tellement fatigué à penser dessus que j’ai bien retrouvé une façon d’en faire deux successivement, mais du plat et non de taille.

ROD. J’en ferai cent et non pas que deux de cette façon, la difficulté est de le faire de taille. Mais il est déjà temps que nous commencions à nous exercer avant qu’il ne soit trop tard. Prenez votre épée Conte.

CON. Comment cela mon épée ? Ne serait-il pas mieux que je prenne celle de jeu ?

ROD. Pas maintenant, car avec celle de jeu vous ne pouvez pas acquérir de courage ou de vigueur de l’âme, et vous n’apprendrez jamais une escrime parfaite avec.

CON. Je vous crois pour le premier, mais je doute du second. Rodomonte, quelle est la cause qui fait que je ne puisse pas apprendre une escrime parfaite avec ce type d’arme, comme vous dites ? Ne délivrez-vous pas les mêmes coups avec celles-ci qu’avec celles affûtées ?

ROD. D’abord, je ne dis pas que vous ne ferez pas toutes ces façons de frapper, de parer et de garder avec ces armes et avec celles de parement, mais que vous les ferez de façon imparfaite avec celles-ci, mais parfaite avec celles affûtées. Parce que si vous faites, par exemple, une défense de la punta que vous lance l’ennemi, en rabattant son épée avec votre mandritto de sorte que cette punta ne vous regarde pas la poitrine. En jouant avec l’épée de jeu, il vous suffira seulement de la rabattre un peu, bien que vous appreniez l’escrime. Mais si vous le faites avec l’épée affûtée, vous pousserez ce mandritto avec toute votre force pour bien chasser à l’extérieur la punta de l’ennemi. Ici ce sera un coup parfait fait avec bon sens et rapidité, écartant plus loin et poussant avec plus de force que vous ne l’auriez fait avec ces autres armes. Comment feriez-vous Comte, si vous preniez les armes parfaites en main, pour ne pas avoir tout le courage et tout le jugement nécessaires ?

CON. Oui, mais il est un grand danger [53R] de s’exercer avec les armes qui blessent parce que si moi je fais une petite faute, elle pourrait beaucoup nuire. Néanmoins, faisons bien comme cela vous plait le plus parce que vous regarderez à ne pas m’offenser et je chercherai à défendre et à avoir constamment l’attention à votre pointe pour savoir quel coup pourra vous sortir de la main, ce qui est nécessaire à un bon guerrier.

ROD. Maintenant, je veux vous enseigner une escrime que je n’ai jamais vue faite par d’autres et dont j’ai moi-même été un précepteur et un disciple, laquelle cependant ne se fait avec rien d’autre qu’une bonne épée, une seule frappe, une seule parade et une seule garde. Et toutes ces trois choses ensembles sont un seul temps, avec cette parade vous pouvez vous défendre de toutes sortes de frappes et d’offenses, et cette frappe est supérieure à tous les autres types de frappes, et de cette garde procèdent toutes les autres gardes.

CON. S’il en est ainsi, cela me parait le fondement et la base de tout cet art, en fait l’épée a entre toutes les armes les plus grands privilèges.

ROD. Je vous laisse juger de ses qualités, Comte. Quelle est cette arme qui ne prend pas ses coups de l’épée ? Toutes les choses que vous pouvez faire avec toutes les autres armes, vous pouvez les faire avec cette épée, en effet, vous retrouvez dans celle-ci de nombreuse parades, défenses et sortes de frappes, lesquelles vous ne trouverez pas aussi facilement dans les autres. Donc on sait que tout l’art parfait est contenu dans l’épée. De là vient que les Empereurs se font porter devant l’épée hors du fourreau, en signe de Justice administrée par eux. Ceux-ci disent ne pas avoir d’autre moyen ou instrument plus apte pour la Justice afin de punir les scélérats et de défendre les bons, que cette épée vraiment pleine de toutes les défenses et de toutes les offenses, commode, droite et ornant l’homme. Le roi et prophète David [53V] dit dans ses psaumes « Ceinture ton épée par-dessus la cuisse, O Baron, et cela sera ton ornement et ta splendeur ». Ce Dieu ne tient-il pas l’épée en main pour punir les rois, comme on peut le lire dans beaucoup d’endroits les saintes Écritures ? L’ange de Dieu n’apparait pas avec l’épée hors du fourreau en main à Josué et Jéricho ? Je dirai que l’épée, au final, est la plus parfaite, la plus agile et la plus digne des armes qui se trouvent, et elle est le plus grand honneur et ornement du chevalier. Et je crois pouvoir dire qu’elle est le début et la fin des toutes les armes autant offensives que défensives.

CON. Vous pensez que ce fut la première découverte ?

RO. Elle le fut très certainement puis jamais plus par l’homme elle ne fut abandonnée. Je crois qu’elle a pour origine le premier forgeron Tubal-Caïn, fils de Lamech et sa femme Tsillah. Ne voyez-vous pas combien de fois cette épée est nommée dans les saintes Écritures ? L’épée est la plus ancienne et la plus moderne, Comte.

CON. Ces épées anciennes me plaisent beaucoup, auxquelles a été donné un rebord d’un côté de sorte qu’elle soit plus ferme et plus sûre. Vous pouvez aussi pousser l’épée à un seul tranchant avec la main gauche pour faire un coup plus vigoureux. Et s’il advient que l’ennemi vous la rabatte vers la face, si elle vous offense, au moins elle ne vous taille pas le visage. Ainsi je dis, Rodomonte, que celle-ci est faite pour offenser et pour défendre, et donc dans cette forme elle fait mieux les deux ouvrages.

RO. Vous ne savez pas, Comte, de combien d’importance sont les tranchants de l’épée. Et si l’adversaire vous rabat l’épée vers la face, cela n’est pas un problème de l’épée, mais de vous qui ne connaissait pas l’art ou qui avait moins de force que lui. Celle-ci est plus sûre, mais aussi moins offensive.

CON. Il a été possible de le faire de cette façon pour beaucoup d’épées comme moi je l’ai vu, pour lesquelles le rebord est sur tout le fort de l’épée, qui va du milieu vers la garde, et le faible de celles-ci, qui est du [54R] milieu vers la pointe, a un tranchant faux et droit.

RO. Il a été possible de le faire certainement, mais l’usage moderne a trouvé qu’elle est plus offensive en ayant un taillant aux deux côtés, parce que quand l’on vient à la mi-épée dans le combat, je dis que le faux tranchant du fort de l’épée est très à propos. Vous pensez, Comte, qu’il est très moderne d’avoir deux tranchants de la garde jusqu’à la pointe, néanmoins il en était de cette manière au temps de David. Il est dit dans les psaumes ces paroles « La grandeur de Dieu dans leur bouche et l’épée à deux tranchants dans les mains, pour faire vengeances aux peuples ». Et j’ai argumenté avec un de mes amis hébreux à Mantoue, et il se comprend que dans la langue hébraïque cela s’écrit tout comme je l’ai dit.

CON. J’ai bien vu il y a peu de jours que certaines épées ont des rebords.

RO. Il n’y a pas longtemps qu’elles s’utilisaient de cette façon pour la plus grande partie, ainsi on en retrouve encore de cette sorte dans ces temps, mais peu. Ainsi, de nos jours on en voit peu avec un rebord.

CON. Peut-être que les anciens avaient l’habitude de faire ces gardes avec ces emprises que nous utilisons ?

ROD. Ils les utilisaient pour certains, excepté qu’il vous est ajouté toute cette garniture que vous voyez du pommeau jusqu’à la croix et qui fait une admirable défense de la main. Il se retrouve toujours quelques améliorations des modernes.

CON. Pourquoi l’épée se porte-t-elle du côté gauche ?

RO. Je ne sais pas en quel lieu vous pourriez la porter et qui vous amènerez moins d’ennui et qui couvrirais le plus votre besoin. À cette place, elle ne vous obstrue aucune des mains, vous pouvez rapidement y mettre la main droite pour la sortir et au final je ne trouve pas d’endroit plus convenable et commode que ce côté gauche qui vous laisse libre et détaché de toute la personne.

CON. J’ai entendu dire de certains qu’elle se porta à cet endroit par respect pour le côté gauche où réside le cœur, étant le plus digne et ayant besoin de plus de [54V] défense.

ROD. Cela n’est pas une bonne raison, Comte, selon mon opinion. Premièrement, j’ai vu dans l’anatomie que le cœur n’est pas plus du côté gauche que du côté droit, mais est au centre la poitrine bien qu’il est vrai que la pointe se tourne un peu vers le côté gauche. Ensuite, si cela était la vraie raison, alors les gauchers la ceintureraient de ce côté. Et quelle défense est celle faite au côté gauche pour la porter de ce côté ? Je crois que la vraie cause est celle que je vous ai dite, Comte, et ces gauchers en sont un signe, qui, pour l’avoir plus commode et droite en la sortant, la ceinture au côté droit.

CON. Je crois bien que cela est la vraie raison.

ROD. Vous êtes là délibéré, mon Comte, à passer ce peu de temps dans des raisonnements peu utiles pour nous.

CON. Vous dites vrai qu’il est mieux d’en venir aux faits, parce que si bien utiles sont ces raisonnements, on peut les faire néanmoins à un autre moment, maintenant manipulez un peu votre épée de grâce Rodomonte.

ROD. Voici que je le fais avec plaisir.

CON. Quelle beauté, mais comment faites-vous pour vous réarranger avec cette épée en main après tant et tant d’embellissements ?

ROD. Je ne le peux vous décrire, Comte, mais ouvrez bien les yeux et prenez un soin diligent au poignet de la main et à la vitesse pour la réarranger comme au début. Voyez comment je le fais ? De similaires façons se démontrent et s’apprennent plus et mieux en essayant et avec le sens de la vue qu’avec les paroles. Et à ceux qui veulent l’exprimer avec les paroles, il leur sera nécessaire qu’ils sachent bien tous ces muscles de la main et des doigts et qu’ils vous disent que pour faire tel ou tel mouvement, tel muscle est nécessaire, et de dénouer la main ainsi et de la plier ainsi. Et vous devrez office d’être un bon médecin et professeur d’anatomie parce qu’aucun autre [55R] ne les comprendront. Faites un peu, Comte, vos deux maindritti tondi ensemble.

CON. Les voici.

ROD. Au sifflement de l’épée, j’entends qu’elle va du plat, bien que l’œil ne soit pas prompt à le discerner de par la rapidité du mouvement, n’entendez-vous pas qu’elle grande percussion et quelle grande réverbération vous faites dans l’air en donnant un grand coup avec le plat de l’épée ? Vous entendez cela un peu moins fort et un sifflement plus aigus quand il est fait du tranchant.

CON. Vous avez un bon jugement Rodomonte.

ROD. Il est très utile d’avoir quelques littératures avec notre exercice.

CON. Combien de types de frappes faites-vous ?

ROD. J’en fais trois, mandritto, rovescio et punta.

CON. Il n’y a pas de falso ?

ROD. Il y est et il se demande falso, seulement pour être de peu de moments.

CON. Faites-les un peu toutes les trois de grâce, mon Rodomonte.

ROD. Voici, cela est le mandritto, cet autre est le rovescio et cela est la punta.

CON. Où laissez-vous les fendenti dritti et rovesci, le montante, le mandritto et le rovescio sgualembrato, le falso manco et dritto ? Où laissez-vous la stoccata et l’imbroccata ? Vous n’avez rien fait d’autre que le mandritto tondo et le rovescio tondo.

ROD. Vous savez bien qu’est-ce que le droit fil et le faux fil, qu’en tenant l’épée à deux taillants au flanc, que le taillant qui regarde le plus vers le sol se nomme le droit fil et que celui qui regarde en l’air vers la partie haute du corps se nomme falso. Et la raison est celle-ci, qu’en tirant un mandritto ou rovescio, l’épée tombe toujours naturellement avec ce tranchant. Je dis donc que vous n’avez pas d’autres types de frappes différentes de ces trois dites qui ne peuvent pas être contenues sous chacune de celles-ci. Parce que tous ces coups qui naitront du côté droit de la personne, autant avec le pied droit devant qu’avec [55V] le gauche, se nommeront tous mandritti, ayant leur commencement du côté droit, allant de haut en bas, comme de bas en haut, et de tels coups auront leur fin dans le côté gauche. Les voici, Conte, autant le mandritto tondo, que le sgualembrato et le falso dritto seront enfermés sous le nom de dritto. Et tous ces coups qui auront pour origine le côté gauche de la personne et finiront dans le côté droit, autant de haut en bas que de bas en haut, se nommeront rovesci. Sous le rovescio se trouvent donc le rovescio tondo, le sgualembrato et le falso manco. Et il se dit rovescio parce qu’il nait du côté inverse du droit.

CON. Où placez-vous les fendenti dritti et roversci, et le montante ?

RO. Je ne les fais pas différemment des mandritti et rovesci.

CON. Comment ça ? Dites-moi : les mandritti ne naissent pas du côté droit et les rovesci du côté gauche ? Et ces fendenti de haut en bas avec le droit fil ou bien de bas en haut ?

RO. Vous ne savez pas pour d’apparentes raisons, Comte, tel que par un mouvement droit, descendent ou montent les fendendi et qu’ils ne peuvent pas être désigné plus du côté droit que du côté gauche. Et en outre pour vous, il y a ensuite cette raison plus efficace, qu’en faisant trois mesures, longue, large et profonde, par où les mandritti et rovesci sont des termes de la largeur, le chasser d’une punta et son tir, des termes de la profondeur, il sera donc une chose juste que les fendenti et ce que vous nommez montanti soient des termes de la longueur, et que comme les différences de position sont variées, ainsi seront aussi ces coups variés. Ainsi donc, mon Comte, en regard de la nature, il y aura peut-être quatre types de frappes : mandritto, rovescio, fendente et punta. Mais nous ne considérerons pas nous les autres coups que ceux de l’épée au flanc et nous n’en trouverons pas d’autres que ces trois.

CON. Comment ?

RO. [56R] Je le dis : si vous vous retrouvez l’épée au flanc, de mettre la main à l’épée vous enseigne le mandritto, bougeant la main de son emplacement à droite jusqu’à la poignée de l’épée au côté gauche. La sortie de l’épée du fourreau vous enseigne le rovescio, la tirant du côté gauche au côté droit. Une fois tirée à l’extérieur, vous retrouvez la pointe de votre épée qui regarde la poitrine ou la face de l’ennemi. D’où de mettre la main à l’épée, la tirer à l’extérieur et vous arranger vers l’ennemi, vous obtenez ces trois coups naturels. De là, vous ne pouvez obtenir, Comte, le fendente de haut en bas ou de bas en haut. Quant à la troisième frappe, nommée punta, si elle nait de la pointe du côté droit elle se nommera punta roverscia, et si elle nait ensuite de haut en bas, ou de bas en haut, et, quel que soit sa fin, au côté gauche ou au côté, toutes seront sous le nom de punta. Donc pour moi je vous ai démontré pleinement pour quelles raisons il existe seulement trois types de frappes principales dans notre art en plaçant cependant le mandritto fendente sous le mandritto et le fendente rovescio sous le rovescio, étant forcé que tous les coups naissent du côté droit ou du côté gauche.

CON. Votre raisonnement dans lequel naturellement vous faites de ces fendenti un autre type principal et différent me plait plus

ROD. Quant à cette raison aussi, les types seront trois ou six, parce que si l’on considère seulement les trois dimensions, elles seront trois : dritto, fendente et punta, mais si vous considérez les six fins de ces trois dimensions ou espaces, elles seront six : mandritto et rovescio, fendente descendant et ascendant, chasser de punta et son retour.

CON. Non, suivons bien la voie commune. Sachez que je voudrai cette chose de vous Rodomonte, que vous me fassiez comme un arbre de tous ces coups généraux et particuliers, et d’en faire [56V] une division ordonnée.

ROD. Je suis content de vous faire cette chose acceptable, où je vous dis que la première catégorie sera la frappe. La frappe peut-être de deux sortes, ou de taille ou de pointe. De taille, soit avec le droit fil de cette épée soit avec le faux fil. La frappe avec le droit fil a sous elle deux types : mandritto et rovescio. Le mandritto peut être tondo, fendente et sgualembrato, suivant comment tombe le tranchant. Si elle va de haut en bas simplement, elle se nommera fendente discendente dritto. Si elle monte de bas en haut, elle se nommera fendente ascendente dritto. Si la taille du dritto va du côté droit au gauche, elle se nommera mandritto tondo ; elle se nommera de sgualembrato quand elle commence en haut et fini en bas et avec va du côté droit au côté gauche, on la nommera donc mandritto sgualembrato. Si au contraire elle va de bas en haut, elle sera sgualembrato ascendente, laquelle cependant est composée du tondo et du fendente. Ceux-là sont les types de mandritto. Le rovescio a tout autant de types et pas plus. Et si on frappe avec le faux fil, il en naitra autant d’autres types de frappes qu’avec le droit fil, excepté que vous y adjoindrais le nom de falso à tous ces noms particuliers, disant falso mandritto, falso rovescio, falso mandritto tondo, falso mandritto sgualembrato, falso fendente. Et ainsi pour toutes les autres, d’un côté ou de l’autre, vous adjoignez ce nom de falso. Si on frappe avec la pointe, soit elle naitra du côté droit et se nommera punta diritta, soit du côté gauche et se nommera punta rovescia. La punta diritta tombe soit de haut en bas et se nomme punta diritta discendente, soit va de bas en haut et se nomme punta diritta ascendente ou bien stoccata, qu’elle finisse ensuite du côté droit ou du gauche, ou quand elle va droitement elle se nomme punta ferma diritta. De la punta rovescia [57V] on peut en dire autant. Et de ces types ensuite mélangés ensemble naissent d’autres coups imparfaits composés de ceux-ci comme les mezi mandritti, tramazzoni, falso finti, puntati, et bien d’autres coups réduisibles cependant dans cet arbre que je vous décris maintenant pour votre plaisir.

[57V] Arbre des coups principaux

[58R] CON. Selon votre profonde distinction, il me parait que cette première division en trois types, c’est-à-dire mandritto, rovescio et punta, ne soit pas convenable : parce que le mandritto et le rovescio sont deux types premiers du droit fil et vous êtes-vous divisé la punta contre la taille, tel qu’il parait qu’il y a seulement deux origines : la punta et la taille.

ROD. Cela est une très belle incertitude, à laquelle je réponds que je fais ces trois types, mandritto, rovescio et punta, les origines en faisant ces divisions par la mise de la main à l’épée comme je vous ai dit, et non selon la nature des coups, ou de l’épée, ou du lieu, ou des dimensions.

CON. Dites-moi un peu, quelle est de vos trois types de frappes celle qui a la première place ?

ROD. Je crois qu’en premier c’est la punta et qu’après c’est le rovescio puis le mandritto

CON. Et moi je tiens tout le contraire. Parce qu’il me parait que le mandritto est le plus noble, le plus naturel et le plus droit, et après est son contraire le rovescio, dernièrement est cette punta. Et vous, pour quelles raisons assignez-vous cet ordre ?

ROD. Je vais vous le dire, nous devons dire sans faute qu’entre les coups offensifs, ceux qui sont les plus offensifs sont d’une plus grande perfection et ceux-ci doivent être en première place. Et parce que la punta est d’une plus grande offense et est plus mortelle, la faisant on donne et détruit dans la profondeur du corps, lieu le plus dangereux et ayant le moins de façon d’être soignée ou traité, par cela nous disons que la punta mérite la première place. Ainsi Végèce narre que les Romains s’exerçant aux armes dans leur jeunesse, il voulait qu’ils frappent plus d’estoc que de taille, et faisant ainsi la plupart du temps ils ont gagné alors qu’en tirant de taille le plus souvent ils restèrent vaincus. La punta donc offre à l’ennemi la plus grande peur comme une blessure plus mortelle, et elle est aussi plus facile dans l’offense et a besoin de moins [58V] de force dans sa poussé que pour le tir d’un coup de taille

CON. Pourquoi ensuite faites-vous plus digne le rovescio que le mandritto.

ROD. Pour la même raison, il est d’une plus grande offense. Voyez ce mandritto que je vous mène, il vous offense au début, puis va en tombant à chaque fois en prenant moins d’endroits du corps. Voici comment va mon bras en tombant maintenant. Mais regardez je vous prie, un peu ce rovescio qui au contraire va toujours en avançant, ne voyez-vous pas de combien le bras et l’épaule s’allongent maintenant, tout en s’élevant, avançant la frappe en continu et faisant un plus grand effet.

CON. Je le vois.

ROD. Dans le mandritto, en tirant le bras droit vers vous, il va en tombant et retournant l’épée à vous, et il offense moins dendroits de l’adversaire. Mais le rovescio fait tout l’opposé. Voici comment en continu il va en prenant plus d’endroits en avançant et comment il raille mieux l’ennemi. Si donc le rovescio prend le plus d’endroits dans l’offense de l’ennemi que ne le fait le mandritto, et si le coup qui fait cela doit précéder en conséquence, le rovescio précédera le mandritto. Mais je vous donne une autre raison, le rovescio commence du côté droit de l’ennemi qui est le plus noble, et le coup qui est le plus offensif est celui qui offense le côté le plus noble, donc le rovescio sera le plus offensif.

CON. Ne m’avez-vous pas dit que le cœur de l’homme était au milieu et se penche vers le côté gauche ? Comment ne seraient donc pas plus mortelles les blessures du côté gauche que du droit ?

ROD. Je vous ai dit que la pointe du cœur se penche un peu du côté gauche, mais maintenant ne vous ai-je pas désigné la raison en disant que le côté droit est le plus noble et de plus grande vivacité, et que par ces offenses, il perd vivacité et vigueur ?

CON. Je vous comprends, mais en fait je vous concède à contrecœur [59R] que le rovescio soit avant le mandritto et de plus grandes valeurs. Il me parait bien que le mandritto doivent précéder le rovescio parce la nature semble l’offrir.

ROD. Je sais bien aussi que naturellement le mandritto est le premier et est plus digne que le gauche. Les philosophes le prouvent, en effet, ils posent l’Orient du Monde, étant la partie droite, plus noble que l’Occident, où ils veulent qu’ils aient plus de vigueur des influx célestes orientaux qu’occidentaux. Dans les animaux aussi, le côté droit est toujours plus vif, plus vigoureux et plus noble. Mais dans le cas des armes, le rovescio (comme j’ai dit) avance plus, va avec une plus grande vigueur, apporte plus de terreur à l’ennemi et offense le côté le plus noble. Il est finalement le plus offensif.

CON. Il parait aussi que le mandritto va trouver en premier le côté gauche de l’adversaire, qu’ils sont plus mortels et qu’ils blessent. Et il me parait aussi qu’il est supporté par une plus grande force que le rovescio, allant par le chemin le plus naturel selon le mouvement naturel du bras, et de par beaucoup d’autres raisons encore, de sorte que je n’approuve pas facilement votre opinion, Rodomonte.

RODO. Au final, elle en sera remise à vous, Comte. Je vous dis, en faisant une autre distinction, que vous pouvez considérer le coup de deux façons : depuis celui qui le fait, et depuis celui qui le reçoit. Si on le considère de l’agent, le mandritto procède plus naturellement du côté droit, et pour cette raison il sera plus noble. Si on le considère de celui qui le reçoit, il lui offensera le côté le plus mortel et ainsi vous pouvez le nommer à votre façon comme le plus digne. Mais ne faisons pas dans cela de difficulté, et procédons autrement par grâce. Ainsi je vous donne cette raison également dont je ne me souvenais plus, le rovescio offense plus que le mandritto offense au côté droit de l’ennemi, avec lequel il s’aide et se défends. Et par cette raison, il advient que le mandritto offense le côté le plus mortel et le plus faible, il peut se dire plus offensif. Dites-moi si avec un rovescio vous tranchez le bras de l’ennemi, quelle défense cela serait-il ensuite ?

CON. Je ne veux plus en débattre avec vous, Rodomonte, faites bien votre escrime pleine de valeur et d’art.

ROD. Ouvrez bien les yeux et voyez comment je fais. Placez-vous, Comte, dans la garde que vous voulez.

CON. Me voici que je m’arrange en cinghiara porta di ferro.

ROD. Oh par votre foie, Comte, ne nommez pas les gardes avec vos noms bizarres, laissez de grâce les dire de vos code lunghe distese, de vos falconi, porta di ferro, larghe, ou stretta, et tant d’étrange fantaisie, parce que comme nous faisons trois types de frappes principales, ainsi nous retrouvons seulement trois principales gardes offensives, trois défensives et une générale.

CON. Et comment les appellerons-nous ?

ROD. La première se nomme guardia difensiva imperfetta, la seconde guardia alta perfetta offensiva, la troisième guardia alta imperfetta offensiva, la quatrième guardia larga imperfetta difensiva, la cinquième guardia stretta perfetta difensiva, la sixième guardia larga imperfetta offensiva, le septième guardia stretta offensiva perfetta.

CON. Je ne vous comprends pas, vous me paraissez utiliser certains termes et certains noms tellement étranges que je ne crois pas qu’ils soient de l’art.

RODO. Cela je le sais aussi, Comte, mais ne vous ai-je pas dis pas que pour combattre à un contre un, vous utiliserez ma nouvelle invention et mon escrime autant pour offenser l’ennemi que pour vous défendre de lui ?

CON. Vous le dites certainement, mais il sera nécessaire, Rodomonte, puisque vous changez les noms utilisés par tant de maîtres d’armes, de commencer par apprendre d’abord la signification [60R] des termes. Qu’entendez-vous par garde ? Voulez-vous peut-être signifier ce que disent les autres ?

ROD. Vous le savez bien. Je suis au repos et arrangé avec l’arme dans une certaine forme, soit pour offenser, soit pour défendre, cet arrangement, ce lieu et cette composition du corps dans cette façon et dans cette forme, je le nomme garde.

CON. Ne pouvez-vous pas vous arranger avec le pied droit devant et avec votre côté droit devant plus découvert à l’ennemi, et aussi avec le pied gauche et le côté gauche ? Et ne pouvez-vous pas former toutes ces gardes nommées par nos maîtres et par l’école commune : guardia da entrare, guardia di testa, guardia stretta, guardia larga, becca cesa et toutes les autres ?

ROD. Je le peux. Les gardes seront alors infinies, Comte, tout comme sont infinis les arrangements et les lieux. Et il est vrai que chaque petit mouvement de l’épée dans l’espace de haut en bas, de bas en haut, d’avant en arrière et inversement, de droite à gauche et inversement, et à chaque fois que vous déplacerez un peu le pied d’un endroit à un autre, en somme tous les plus petits mouvements vous formeront une garde différente, lesquels mouvements peuvent être indénombrables et petits. Cependant ces maitres ont pu nommer les plus nécessaires pour avoir un moyen de pouvoir les enseigner aux élèves plus facilement, et ils ont pris de tels noms d’après quelques similitudes ou effets. Ainsi ceux qui ont bien considéré naturellement la ressemblance avec les animaux, pourront peut-être pu plus proprement dire guardia di Leocorno, guardia di Leone et d’autres semblables. Mais moi qui ne suis pas maitres d’école, à vous qui n’êtes déjà pas mon disciple, je n’ai pas l’intention de faire comprendre maintenant tout notre exercice entièrement pour le jeu, mais j’ai choisi seulement une escrime, comme j’ai dit, avec laquelle quand vous allez aux mains avec votre ennemi, soit étant assailli par lui, soit vous l’assaillant, vous pouvez parfaitement et justement le frapper de blessures mortelles et faire une défense sûre des siennes. Donc je place seulement sept gardes, lesquelles ont pris des noms convenables de la forme et du but de ces gardes, nommées offensive ou difensive, selon leur fin, larghe, strette, ou alte selon leur forme, perfette ou imperfette selon leur perfection ou imperfection. Et si je voulais vous montrer maintenant tout l’art et toute la maîtrise des armes, je vous déclamerais ce qu’est un temps, un demi-temps et un contre-temps, ce qu’est une garde, combien il y en a et comment toutes les former, combien il y a de façon de frapper ainsi que tous les coups, ceux qui offensent et ceux qui défendent, avec combien de sortes d’armes on peut combattre, et les escrimes, et les avantages qui sont dans chacune d’elles, à pied comme à cheval, combien il y a de prises et comment toutes les former, et en somme tout l’exercice militaire. Outre que je ne le serai pas facilement, je ne pourrai pas le faire aussi dans l’espace d’une année.

CON. Dites-moi au moins pour le moment qu’est-ce que l’avantage et qu’est-ce que le temps.

ROD. Vous devez savoir, Comte, que l’avantage pour maintenant peut être considéré dans l’arrangement en garde, dans la frappe et dans le déplacement. Donc, on dit que vous vous arrangez en garde avec avantage quand la pointe de l’épée ennemie est à l’extérieur de votre vie et ne vous regarde pas, et quand la pointe de votre épée regarde la vie de l’ennemi pour l’offenser. Parce que de cette façon elle pourra facilement l’offenser et il pourra difficilement se défendre de vous parce que vous pourrez le frapper en peu de temps et qu’il lui demandera plus de temps à lui pour se défendre. Et inversement, il pourra difficilement vous offenser et vous pourrez facilement vous défendre de lui pour la même raison [61r] lui ayant besoin de beaucoup de temps et vous de peu.

CON. Je crois que je pourrai très bien faire cela quand l’ennemi n’a pas la science dans cet exercice. Mais s’il est attentif et qu’il ne me laisse pas prendre de garde avec avantage, que devrai-je faire ?

RO. Je veux que vous vous déplaciez, le contournant de travers et l’agaçant en continu, là avec un mezzo mandritto, et ici avec un mezzo roverso, et souvent avec diverses feintes. J’avertis cependant de toujours enlever votre personne de la pointe de son épée, parce que vous pourriez facilement lui donner le temps et l’occasion de vous prendre l’avantage dans votre mise en garde.

CON. Et s’il m’agace avec des feintes et des demi-frappes similaires, que dois-je faire ?

ROD. Vous devrez vous retirer en arrière d’un ou deux pas de sorte qu’il ne puisse pas vous frapper, ne pouvant alors pas vous atteindre. Et vous devrez marcher de façon que le propos qu’il avait fait de vous frapper et la façon qu’il avait décidée quittent l’esprit de l’adversaire. Parce que souvent la variation de la personne dans les déplacements fait aussi changer la pensée et le dessein. Mais soyez toujours attentif dans les déplacements de prendre l’occasion de vous mettre en garde avec l’avantage de l’épée.

CON. Quel est ensuite l’avantage de la frappe.

ROD. Je dois dire que jamais on ne doit tenter de frapper sinon quand vous pouvez atteindre l’ennemi avec la frappe avec un demi-pas ou un pas tout au plus.

CON. Et pourquoi cela ? Ne puis-je pas aussi tenter de l’atteindre en plusieurs pas ? Il me semble que tant que l’on attaque que l’on ne perd pas de temps ?

ROD. Si vous essayez toujours de frapper quand vous ne pouvez pas atteindre l’ennemi sinon avec plusieurs pas, vous passez trop de temps à frapper et vous en donnez trop à l’ennemi pour qu’il puisse défendre le coup et vous frapper puisque [61v] vous vous décontenancez trop en devant vous bouger de si loin. Mais quand vous pouvez l’atteindre avec un pas ou un demi-pas, vous ne vous décontenancez pas et le frappez rapidement sans donner le temps à l’ennemi de se défendre. Ensuite, vous devez savoir que quand l’on frappe, on ne regarde pas la pointe de son épée, mais celle de l’ennemi.

CO. Il me paraît que si je veux frapper qu’il est nécessaire que je regarde le lieu où l’ennemi se découvre parce qu’autrement je frapperai sans offenser. Et que si je dois voir où je dois chasser la pointe de mon épée, il m’est aussi nécessaire de la regarder.

RODO. Il est bien nécessaire de regarder là où l’ennemi se découvre parce qu’on doit le frapper là, mais l’on peut frapper sans regarder sa propre épée. Et avec la rapidité du regard nécessaire à un bon guerrier, on peut dans un même temps voir l’endroit où l’ennemi se découvre et regarder la pointe de l’épée ennemie. Puis sachez bien qu’il peut vous arriver plus de dommages d’être offensé qu’il ne peut vous en servir de l’offenser. Et par cela, il est nécessaire d’observer la pointe de l’épée ennemie pour pouvoir s’en défendre, en vous réservant le meilleur temps pour l’offenser. Donc, Comte, de votre point de vue vous avez l’avantage dans la frappe quand vous pouvez frapper avec un pas ou un demi-pas. Et du point de vue de l’ennemi, vous prenez l’avantage quand il vous tirera quelques coups sans pouvoir vous atteindre, ou en vous atteignant avec plusieurs pas parce qu’il se décontenancera en tirant ses coups, ou bien en élevant son épée il vous donnera le temps de le frapper. Et de même, quand il ne regardera pas la pointe de votre épée, il vous donnera l’occasion de l’offenser.

CON. Cela me paraît vrai parce qu’il ne peut pas me frapper avant que son épée n’atteigne ma vie, et que le plus rapidement mon épée atteindra sa personne, plus rapidement aussi il sera frappé. Mais après [62R] que vous m’ayez dit quel est l’avantage dans la tombée en garde et dans la frappe, dites-moi aussi quel est celui-ci dans les déplacements.

ROD. Rapidement, je dis que quand l’ennemi dans ses déplacements lève le pied pour faire un pas, alors il se désordonne un peu et à ce moment-là vous pouvez le frapper agilement, mais aussi changer de garde sans crainte parce que son intention est autre, et cela est du point de vue de l’ennemi. Ensuite, de votre point de vue, quand en vous déplaçant vous aborderez l’ennemi et irez en serrant le pas, alors vous aurez beaucoup d’avantage, parce que d’autant plus vous êtes serrés les pieds, d’autant plus vous avez de force dans la frappe et dans votre défense. Outre cela, vous pouvez atteindre l’ennemi en peu de temps.

CON. Dites-moi Rodomonte, vous m’avez donné des conseils sur comment je dois aller quand je veux m’approcher de l’ennemi. Lequel est le meilleur avantage, allez le retrouver ou bien l’attendre ?

ROD. Toute la résolution de cette question se réduit à être vous en avantage et l’ennemi en désavantage, parce que si vous allez dans le temps et que vous êtes en désavantage de l’épée, et l’ennemi en avantage de garde, votre allée sera sans doute pire. Mais si vous êtes au contraire, le mieux serait certainement d’attendre.

CON. Je ne doute pas de cela, mais je veux comprendre quand l’un et l’autre ont l’avantage et que la situation est dans un état identique.

ROD. On ne frappe jamais sûrement sinon dans le désavantage de l’ennemi. Toutefois il me paraît impossible de dire quand les deux sont en avantage et dans une situation identique. Puisque bien vous demandez non dans la frappe, mais dans l’aller pour trouver l’adversaire, je dirais qu’il est mieux d’attendre parce que celui qui va se désordonne, et le mouvement du corps fait aussi souvent changer l’esprit, alors que celui qui reste ferme ne reçoit ni désordre ni changement du corps et de l’esprit. Donc il me paraît que quand l’un et l’autre pourront être en avantage, il y a aura toujours moins d’avantage à celui qui va trouver l’ennemi. Et que quand les deux pourront être en désavantage, il y aura toujours moins de désavantages pour celui qui attend l’adversaire, et d’autant plus si celui qui attend se maintient en garde.

CON. Si cela est vrai en parlant d’aller retrouver l’ennemi, que direz-vous ensuite de la frappe ? Est-il mieux d’attendre que l’ennemi frappe ou d’être le premier à frapper ?

ROD. Il est mieux d’attendre que l’ennemi frappe.

CON. En fait, cela me paraît être le contraire, parce que quand je fais la frappe en premier, il est nécessaire que l’ennemi se défende et pendant qu’il s’attardera à sa défense, il ne pourra pas s’attarder à m’offenser.

ROD. Votre raison est valide si pendant qu’il se défend il ne peut pas aussi offenser, mais cela est faux, car il se trouve beaucoup de défenses qui peuvent aussi être une offense, et parmi celles-ci nous pouvons placer notre escrime qui est une seule parade, une seule frappe et un seul temps.

CON. Pourquoi donc dites-vous qu’il est mieux d’attendre que l’ennemi soit le premier à frapper ?

ROD. Parce que le premier qui frappe est le premier qui se découvre, et se découvrant, on ne peut pas dans le même temps se couvrir. Donc quand votre adversaire se découvre, vous pouvez saisir l’opportunité de le frapper. Et s’il est prudent, vous pouvez aussi frapper dans le même temps que l’ennemi en passant d’un pas de travers. Outre que si bien vous vous découvrez aussi, il est mieux de se découvrir en garde qu’en frappant parce qu’en garde vous êtes plus à l’aise pour vous couvrir, alors que quand vous frappez, vous avez toute l’intention dans la frappe. Ensuite, si vous considérez bien, pendant que l’adversaire frappe, il est forcé qu’il élève un peu ou qu’il abaisse un peu l’épée, dans ce temps souvent il enlève son épée de votre présence et par conséquent il se met en désavantage. Pour ces raisons, je peux dire qu’il est plus avantageux d’attendre que l’ennemi soit le premier à frapper.

CON. Je reste très satisfait de tout ce que vous m’avez dit sur ce qui est le plus avantageux dans la prise de garde, dans la frappe et dans les déplacements. Maintenant, je désire savoir ce qu’est le temps et qu’est-ce que cela signifie quand nous parlons d’un temps et d’un demi-temps ?

ROD. Il est une grande controverse parmi les philosophes en regard de la nature du temps, et il est difficile de le comprendre. Il est mieux de demander à Boccadiferro qui maintenant est là.

CON. Docteur, que comprenez-vous sur les temps et qu’est-ce c’est ?

BOC. Il sera difficile de le comprendre, Seigneur Comte. Les philosophes disent que le temps est la mesure du mouvement et des repos, selon l’avant et l’après. Et pour plus de compréhension, je vous dis qu’un corps qui se bouge et se déplace d’un endroit pour aller à un autre, le lieu d’où il est parti est une limite de cet espace où se déplace le corps, le lieu ensuite qu’il atteint et où se fini l’espace et le mouvement est l’autre limite. Maintenant si vous divisez cet espace et ce parcours à la moitié en deux parties égales, la première du milieu vers la limite d’où l’on est parti se nomme première partie, l’autre moitié se nomme la dernière partie. Ces considérations de première et seconde partie (l’avant et l’après) dans le discours de nos esprits sont nommées temps par ces philosophes, d’où l’énumération des parties successives d’un mouvement est le temps.

CON. Pour quelles raisons ne connaissons-nous pas le repos ?

BOC. Parce que quand sont liés les sens extérieurs (le repos n’étant rien d’autre qu’un lien de tous ces sens extérieurs) nous n’incluons pas le mouvement et en conséquence on ne connaît pas le temps, lequel est un accident inséparable du mouvement [63V], ou pour mieux le dire, il est lui-même un mouvement selon d’autres considérations. Quand l’on joint le premier instant, le tout début du temps du repos jusqu’au dernier instant, extrémité de ce repos, l’on ne peut pas inclure de demi-temps, à l’exception cependant de quand l’imagination travaille et rêve, par respect de ce mouvement, alors on inclut le temps. La connaissance du temps est d’autant difficile que le mouvement de ce rêve.

ROD. Je vois que le Comte ne le comprend pas bien. Je vais le lui faire peut-être comprendre en parlant chevaleresquement. Écoutez Comte, ces philosophes ont prouvé qu’avant qu’un corps ne se déplace qu’il est au repos, et que quand cesse le mouvement il est à nouveau au repos, de sorte d’un mouvement (bien qu’il soit seul) se situe au milieu de deux repos.

BOC. Dans le septième et huitième chapitre de la Physique, Aristote l’a prouvé. Rodomonte dit vrai.

ROD. J’ai entendu dire des médecins que le mouvement du pouls est aussi au milieu de deux repos, n’est-ce pas Docteur ?

BOC. Galilée l’a prouvé et dit avoir longtemps peiné à discerner la sensation du mouvement de quand le pouls s’abaisse et s’élève. Et ces mouvements se divisent en fistule et diastole, c’est à dire en élévation et en dépression.

ROD. Bien, il suffit que chaque mouvement qui est un et continue se situe entre le repos précédent et le suivant. Maintenant, voici Comte, avant que vous donniez un mandritto, un rovescio, ou une punta, vous êtes arrangé dans une certaine garde, et ayant fini le coup, vous vous retrouvez dans une autre garde, ce mouvement de donner le coup est un temps, parce que ce coup est un mouvement continu comme le temps qui l’accompagne est un seul temps. Quand on reste en garde, le mouvement fini, vous vous retrouvez une nouvelle fois au repos. Un temps est donc un mouvement qu’au lieu de nommer mouvement je nomme temps parce que l’un n’abandonne pas l’autre. Et une garde est un repos et elle se base sur un lieu et une forme. En conclusion, on vient à dire temps et garde autant que mouvement et repos. Ainsi il est nécessaire qu’entre deux mouvements soit toujours un repos, et qu’entre deux repos s’intercale un mouvement. De même entre deux coups donnés, ou deux temps, se trouve une garde, et entre deux gardes, ou repos comme on peut le dire, s’intercale un quelconque coup ou un temps. Ainsi, un temps entier est un coup parfait et entier parce qu’il fera un mouvement et un temps parfait. Et un demi-temps fera ensuite, comme on le dit, un mezoroverscio et un mezomandritto. Et chaque petit mouvement de la personne se nomme demi-temps. Et si l’on entend parfois dire que l’on frappe d’un demi-temps, je ne crois pas que cela soit toujours vrai, parce que là on frappe avec un coup entier dans un temps entier et là on frappe avec un demi-coup dans un demi-temps. Il est vrai que le plus souvent on frappe en demi-temps, étant nécessaire que quand deux personnes intelligentes dans l’art vont au combat, qu’ils trompent leur compagnon de sorte que quand l’adversaire cherche à faire un coup qu’il doive avec rapidité et agilité entrer et frapper au milieu du coup de l’adversaire avec son demi-coup. Donc on peut dire que la plupart du temps on frappe en demi-temps avec un demi-coup.

CON. Je crois maintenant le comprendre et quand vous me dites qu’entre deux coups se trouve une garde et entre deux gardes, un coup, de là il naît peut-être ce que l’on dit que chaque coup génère une garde et que chaque garde génère à un coup.

ROD. C’est ainsi, on peut presque dire qu’après chaque coup vous vous retrouvez dans une certaine garde, et qu’après chaque garde succède un coup. Et comme [64V] le repos d’un mouvement donné est différent du repos d’un autre mouvement, selon ce que veulent leur nature, ainsi une garde est apte à générer un coup particulier confortablement et pas un autre, ce que je vous ferais mieux voir en commençant notre escrime.

CON. Quand je pense à ce que vous m’avez dit au-dessus, je retrouve un exemple clair chez les Allemands, lesquels allant à un combat armé, donnent un coup à l’homme et ayant mené le coup s’arrêtent en garde pour attendre que le compagnon tire le sien, et le retiennent et ensuite redoublent. Je vois les deux repos avec le mouvement au milieu.

ROD. Cela est un exemple très convenable, mais débutons mon escrime avec la première garde.

BOC. Je serai silencieux et resterai à vous regarder me réservant cependant la liberté de pouvoir parfois vous demander quelque chose si je désire la savoir.

CON. Cela est bien raisonnable, et nous pareillement rechercherons de vous ce que vous connaissez mieux que nous quand nous en aurons l’occasion. Mais décrivez la première garde Rodomonte.

ROD. Supposons Comte, que l’on porte l’épée au flanc pour la défense et la garde de l’homme, la nature invite l’homme lui-même à la porter pour sa défense. Portant donc l’épée ceinturée au flanc gauche et en restant ferme dans cette forme, cela sera la première garde que nous nommerons guardia difensiva imperfetta.

CON. Pour quelles raisons la nommez-vous ainsi ?

ROD. Elle est une garde, car elle est un endroit et une position de repos, elle est nommée défensive, car elle défend le côté où est positionné l’épée, je la dis imparfaite parce qu’elle est à l’intérieur du fourreau qui seul défends en faisant peur à l’ennemi, mais elle est une défense imparfaite, car elle ne fait rien d’autre.

CON. Quel coup partira de cette première garde ?

ROD. Le rovescio, mais soyez averti que [65R] je veux que toutes ces sept gardes se fassent avec le pied droit et le côté droit devant vers l’ennemi, parce qu’elles sont moins dangereuses, ont plus de force et s’utilisent mieux que les gauches autant dans l’offense que dans la défense.

Voyez donc Comte, maintenant je tiens cette épée au flanc gauche, si je veux être utile et l’utiliser contre vous soit pour vous offenser soit pour me défendre, il m’est nécessaire que je prenne celle-ci de la main droite à la garde de l’épée pour la tirer en dehors, d’où je fais nécessairement ce rovescio ascendente. Et cela est le premier coup, naissant du flanc gauche de la première garde, défensive et imparfaite.

[65V]

[66R]

CON. Voyez si je le fais également. Ceci est le tirage de l’épée, et ceci le rovescio, étant avec le côté droit et le pied droit devant vers vous.

ROD. Oui, mais faites cependant que vous ne tournez pas la main quand vous la tirez à l’extérieur, cela ne me plaît pas, tenez de façon à ce que le poignet dans le tirage à l’extérieur ne fasse aucune rotation, et faites que la main aille bien en l’air et en arrière vers le côté droit et que la pointe de l’épée regarde vers ma poitrine et décline un peu vers le sol. Et là on s’arrête, avec le droit fil de l’épée regardant vers le ciel et le falso vers le sol, en avertissant que dans ce même temps ou le rovescio passe que vous faites avec la personne une petite rotation de sorte que l’épaule gauche se retrouve un peu plus en avant de la droite et que la droite soit un peu plus haute que la gauche, et que le bras gauche suive le droit sur le côté avant de sorte qu’il se trouve vers le flanc droit. Et l’on fait également tourner la jambe gauche sur la pointe du pied un peu vers l’extérieur avec le talon un peu levé du sol. Et faites en plus que la jambe droite soit tendue avec la personne aussi droite, voyez comment je le fais ?

CON. Je vois, mais je ne peux pas bien arranger cette jambe droite avec la personne. Si j’élève le talon du pied gauche, je ne peux pas bien me soutenir dessus ni tenir la jambe droite, étendue et un peu levée.

RODOM. Je ne sais pas faire autrement parce que la nature forme cette figure quand vous vous retrouvez dans ce lieu avec le côté droit devant et voulant mener bien haut ce rovescio autant que possible sans volte ou tour de main. Mais faites-le plusieurs fois en faisant attention à tous les détails que j’ai dit.

CON. Voici

ROD. Élevez plus [66V] le talon gauche et étendez bien votre jambe droite.

CON. Ainsi ?

ROD. Exactement, cela est notre seconde garde, la guardia alta offensive perfetta.

[67R]

[67V]

CON. Je sais pourquoi elle se nomme garde haute, mais je ne connais pas la raison pour laquelle vous la nommez offensive et parfaite.

ROD. Je vais vous le dire, chaque garde formée du côté gauche se nommera défensive, et toutes celles du côté droit seront nommées offensive. Donc chaque fois que l’on se trouvera avec l’épée du côté gauche (avec le pied droit devant cependant, ce que nous supposerons toujours que ce soit dans une garde large comme étroite) et que l’on se trouve plus ou moins haut d’un bras de la étroite, ou plus basse que celle-ci entre l’étroite et la large, on considérera cette garde défensive et elle sera pour la défense. Et chaque fois que l’on se trouvera avec l’épée du côté droit (aussi avec le pied droit devant) autant en garde haute parfaite qu’en imparfaite, autant en garde étroite que large, ou bien que vous êtes entre la haute et l’étroite ou entre l’étroite et la large, tant que l’épée est du côté droit, on considérera cette garde toujours offensive, et elle sera pour offenser. Cela sera notre règle, et gardez-la bien en tête.

CON. Je le retiendrai mieux si je comprends la valeur de vos gardes hautes, étroites et larges.

ROD. Nous les ferons d’abord toutes et ensuite vous comprendrez mieux la règle. Cette garde haute est donc offensive, car l’épée est du côté droit.

CONTE. Pourquoi se nomme-t-elle parfaite ?

RODOM. Parce que la pointe de l’épée expose plus l’ennemi et le vise plus dans cette forme que dans aucune autre où l’on peut être. Cette guardia alta offensive perfetta est née du rovescio que vous avez fait en sortant l’épée.

BOCCA. Et si dans ce temps, Rodomote, où vous tirez l’épée à l’extérieur et où le rovescio chemine de bas en haut, le Comte donne un coup quelconque pour vous offenser [68r] la tête ou le côté supérieur, que feriez-vous ?

RO. Avec le même rovescio je rabattrais le coup de son épée en l’air et vers mon côté droit. Puis arrangé dans cette guardia alta perfetta offensiva, je pousserai la punta préparée dans sa poitrine.

BOC. Cela si vous être rapide et lui lent.

ROD. Cela se comprend, car il n’est pas nécessaire en effet de se reposer.

BOCCA. Faites-le un peu, Compte

CON. Voici

ROD. Et voici la riposte. Et quand vous vous verrez proche des mains de votre ennemi, cela est la défense la plus courte et offensive que vous puissiez faire. Parce qu’ayant fini de sortir l’épée, vous l’envoyer vers l’ennemi et pas ailleurs afin de l’offenser et de vous défendre.

CON. Et si je suis loin de mon ennemi, que dois-je alors faire ?

RODO. La même chose. Vous plaçant bien dans cette guardia alta offensiva perfetta et de là vous lui donnerez à croire de vouloir lui chasser cette punta dans les yeux.

CON. N’est-il pas mieux d’indiquer de la lui chasser dans la poitrine ?

ROD. Non, Seigneur, parce que si vous élevez la punta sopramano tellement que vous visez les yeux, dans l’allongement, le bras tombe et descend à la poitrine. Mais si vous indiquez la poitrine, il descendra à la cuisse. Et puis en faisant semblant de vouloir lui offenser les yeux, vous lui donnez plus de peur, l’œil étant un membre noble, et vous lui faites perdre plus de courage.

BOC. Vous dites vrai Rodomonte. Chez certains de ceux qui sont armurés de toutes les pièces de joute, j’ai aperçu que quand l’adversaire abaisse la lance et vise la visière de leur casque pour les offenser, qu’ils penchent d’un côté pour fuir la pointe de l’ennemi par peur pour leurs yeux bien qu’ils aient un casque costaud devant le visage. Et il y en a certains qui ferment les yeux par peur, mais ceux-ci ne font pas de coup [68v] digne sinon par chance. Là si ceux armurés ont tellement peur de l’estoc offert à leurs yeux, que ferait alors un désarmé en voyant la vraie pointe de l’épée dirigée vers ses yeux.

ROD. Un argument très valable d’un inférieur à un supérieur.

CON. Et si je me retrouve loin d’un ennemi et que je fais signe de vouloir lui offenser la tête avec certains coups de taille de haut en bas et non de punta ?

ROD. Vous lui ferez peu peur ainsi, parce que son bras gauche garde et prends soin de la tête en prenant le coup avec la main ou en retenant sa force avec le bras. Ensuite la punta est toujours plus parfaite et offensive que la taille.

CON. Nous utilisons donc bien la frappe de punta à la Romaine et non la taille, autant de prêts que de loin.

ROD. Et nous visons aussi à la chasser au fond dans les parties les plus nobles, où les blessures sont les plus cruelles et plus mortelles.

CON. Donc ceci est votre seconde garde, je la comprends et si je m’exerce dedans je la ferais bien avant que ne soit passé trop de temps. J’ai entendu dire que cette garde plaît beaucoup au Seigneur Duc Hercule Quarto di Ferrara, lequel en outre de toutes ses vertus, se délecte énormément des arts militaires et de celui de l’épée seule.

ROD. Il a bien raison parce que cette garde étant rapide pour offenser, elle convient à un chevalier rapide et désireux de frapper l’ennemi, comme vous voyez qu’est le Seigneur Duc quand il s’exerce dans les joutes et les combats publics, si bien qu’il a ensuite toujours été désireux de conserver la paix pour son peuple.

CON. Je l’ai toujours entendu être célébré et infiniment loué pour cela, et je sais qu’il est aussi très valeureux dans les lettres.

ROD. Cela est certain et il n’est pas étonnant qu’il soit l’un des bons et sages Princes que possède cette époque

CON. Maintenant [69R], enseignez-moi la troisième.

RO. Volontiers, faites que le rovescio de bas en haut dans le tirage à l’extérieur de l’épée va si haut que la pointe de l’épée vise le ciel et que le poignet de la main fasse une demi-volte de sorte que le droit fil regarde vers le ciel et le falso avec la pointe de l’épée regardent vers le côté arrière de la personne par-dessus l’épaule droite et que le pommeau de cette épée me regarde moi, en faisant toutes ces voltes de la personne, de la main et des pieds que j’ai enseignés dans les autres gardes. Cela sera notre troisième garde nommée guardia alta offensive imperfetta.

[69V]

[70R]

Voyez comment je la fais et comment je tire ce rovescio en l’air et comment avec ce rovescio en cheminant je fais avec le poignet une demi-volte de la main. Voyez comment la pointe de l’épée et le falso regardent derrière moi. De cette garde ne partira pas un estoc, mais un mandritto pour votre côté supérieur si je le laisse descendre

CON. Laissez-moi un peu le faire, c’est bien ainsi ?

ROD. Lever bien le bras en l’air autant que possible.

CON. Et si vous m’êtes trop en dessous ?

ROD. Vous laissez tomber le coup et vous m’atteindrez avec le fort de l’épée sur la tête si je ne fais pas d’autre couverture.

CON. Pourquoi la nommez-vous imparfaite ?

ROD. Parce qu’elle ne peut pas partir de punta, mais seulement de taille et ainsi elle offense moins et je l’éviterai plus facilement.

CON. Offensive parce qu’elle naît du côté droit, n’est-ce pas ?

ROD. Oui Seigneur, et imparfaite parce que ce coup est une offense imparfaite comme j’ai dit. Et aussi parce que vous voulant mener un coup de haut en bas, comme pour son contraire, vous découvrirez votre côté droit à mes yeux et je pourrais vous chasser cette punta ainsi dans la vie. Et je me trouverai avec l’épée en présence et je pourrai facilement me défendre de vous.

BOC. Et puis, bien que le coup descende de haut en bas avec une grande force, il ne tue pas toujours parce qu’il y a cet os du crane qui est à certains endroits forts et épais. Aussi, s’il atteint un autre endroit comme l’épaule, il y a d’autres os très durs, et certaines fois elles sont armurées d’une bonne défense qui retient la furie de la taille, mais non de la punta.

RO. Cela est une raison bonne et naturelle.

CON. Ayant fini la troisième garde nommée alta offensiva imperfetta, voyons maintenant la quatrième.

ROD. [70V] Arrangez-vous en guardia alta offensiva perfetta, et tenez-vous bien avec toute la personne sur le pied gauche, élevé, de sorte que le droit soit agile, ainsi que toute la jambe droite, pour pouvoir passer devant et venir vers moi.

CON. Je ne peux pas, si je ne me soutiens pas en partie sur la jambe droite aussi.

ROD. Vous ne ferez pas autrement, parce que si le poids est sur votre jambe droite, vous ne pourrez pas venir devant moi avec le côté qui tient votre arme offensive. Mais si vous vous trouvez avec le pied droit libre, vous pourrez passer devant d’un grand pas de cette manière.

CON. Là, voyez si je me suis accommodé.

ROD. Très bien, là arrêtez-vous dans cette façon et faites un grand pas, faites que l’épaule droite pousse le bras devant le plus possible et qu’avec la main d’épée vous pouvez viser ma poitrine avec la pointe sans faire aucune volte de la main, allant en avant autant qu’elle puisse le faire. Et là, vous tournez ensuite le droit fil de l’épée vers le côté gauche et de là vous descendez jusqu’au sol et vous faites convenablement une demi-volte de la personne dans ce même temps où le coup traverse, telle que l’épaule droite, soit un peu plus basse que la gauche, et que vous regardez vers ma poitrine. Et le pied droit étant tiré un peu en arrière, faites qu’il reste aussi dans un bon pas et arrangez vos pieds de travers et pliez un peu le genou. Et faites que la main d’épée se trouve au milieu du genou et que le bras gauche descende de haut en bas dans le temps ou traversera la pointe et ira en arrière par l’extérieur, avec la jambe gauche un peu étendue. Voyez comment je le fais et comme je me penche jusqu’au sol ?

CON. Je le vois et je crois aussi que dans l’espace [71R] d’une année je ne lui donnerai jamais cette belle agilité et cette élégance de la vie comme vous le faites Rodomonte. Mais poursuivez bien parce qu’il me faudra plus de temps pour m’exercer dans cela.

ROD. Celle-ci est la guardia larga difensiva imperfetta.

[71R]

[72R]

CON. Pour quelle raison est-elle dite garde large ?

ROD. Elle est dite large, car elle a la pointe de l’épée éloignée de l’ennemi de sorte qu’elle ne vise aucune partie de sa vie. Elle est dite défensive pour être du côté gauche, où se forment toutes les gardes défensives comme je vous ai dit. Et elle est imparfaite, car elle produit une taille qui est le rovescio tondo.

CON. Cette garde prend donc sa forme depuis cette punta sopramano offensive.

RO. Elle est ainsi et cette punta est un coup parfait en la chassant avec le bras jusqu’où vous atteignez. Si vous vous retrouvez ensuite, Comte, dans la guardia offensiva perfetta, aussi avec le pied droit devant, et que de là en poussant l’imbroccata sopramano offensive et en faisant ces mêmes tours de la personne, des mains et des pieds, à l’exception de la rotation du droit fil vers le côté gauche comme enseigné, faites que la main d’épée ne vous dépasse pas ou ne dépasse pas le genou droit, et que la pointe de celle-ci regarde à ma poitrine, cela sera la cinquième garde que nous nommons guardia stretta difensiva perfetta.

CON. Faites-la vous Rodomonte

ROD. La voilà, voyez-vous comment la main de dépasse pas le genou droit et comment la pointe regarde votre poitrine ?

[72V]

[73R]

CON. Pourquoi la nommez-vous ainsi ?

ROD. Je la nomme serrée, car l’épée est serrée avec l’ennemi et je ne peux pas être assailli sans grande contestation de par la pointe qui regarde la poitrine de l’ennemi, et le côté gauche se retrouve aussi tellement loin de lui que je ne peux être offensé bien qu’il soit le plus mortel.

BOC. En se trouvant avec le côté droit devant lequel paraît prendre en charge la défense, et la main d’épée en présence se retrouvant autant pour défendre que pour offenser l’autre, je crois que dans cette garde se défendra le Comte et tout autre plus facilement et avec moins de fatigue que dans n’importe quelle autre garde.

CON. Pourquoi la nommer vous parfaite ?

ROD. Ne vous ai-je pas dit qu’il est nécessaire que vous tourniez la pointe de l’épée vers ma poitrine ? Voici, parce que la punta en naît, je la nomme parfaite. Et si bien que naisse principalement la punta, néanmoins de là naît agilement le mezo rovescio tondo, lequel nous utiliserons ensuite beaucoup dans notre escrime.

CON. Et défensive ?

ROD. Ne voyez-vous pas que cette punta nait de votre côté gauche et que ce sera une punta rovescia ascendante ?

CON. Il est vrai, cela me paraît être une très bonne garde parmi les défensives, et si je me souviens bien elle est très utilisée par le Seigneur Jean de Médicis et le Seigneur Comte Guido Rangone, hommes rares et excellents dans l’exercice des armes.

RODO. Vous dites vrai, j’ai vu le Seigneur Comte Guido l’utiliser, homme pas grand de taille, mais grand de valeur, et généralement à l’épée seule. Maintenant, quand vous ferez cette guardia alta offensiva imperfetta, c’est-à-dire que la pointe de l’épée regarde en arrière, vous retrouvant dans cette garde, bien avec le pied droit devant [73V] vous pourrez faire naître un mandritto ainsi, qui descends jusqu’à terre et faire tous ces tours de la personne, des mains et des pieds que je vous ai dit pour la punta sopramano offensive parfaite. Et ce mandritto fera un coup entier et un temps entier, offensif, imparfait.

CON. Pourquoi entier ?

ROD. Parce qu’il va de haut en bas jusqu’au sol. Et offensif parce qu’il naît du côté droit d’où naisse les offenses.

CON. Imparfait ensuite pour mener des tailles et non des punte.

ROD. Vous dites vrai, voyez Comte que cedit coup entier a formé la guardia larga difensiva.

CON. Et si dans cette même guarda alta offensiva je mène un mezo mandritto seulement, lequel n’atteints pas le sol, mais s’arrête à mi-chemin en ne dépassant pas le genou de cette façon, avec tous les tours de vie, de main et des pieds déjà dit, jusqu’à ce que l’épée s’arrête, dite moi quel serait ce coup ?

ROD. Cela serait un mezo mandritto offensif imparfait. Il sera offensif, car tombant du côté droit, imparfait, car étant de taille et non d’estoc. Et ce mezo mandritto vous fais former la guardia stretta difensiva perfetta, vous la voyez ?

CON. Je vois.

ROD. Maintenant, avançons un peu, Comte, si vous vous retrouvez dans une de ces deux gardes défensives dites large ou serrée, bien avec le pied droit devant, et que vous voulez faire un rovescio, vous serez forcé de tourner la main droite pour tourner le droit fil vers vôtre côté droit, d’où la pointe de l’épée se tournera vers l’arrière par l’extérieur au côté gauche et elle commencera en bas pour finir en haut à l’épaule gauche, et de là en chassant de haut en bas vers le côté droit jusqu’à terre, vous faites que dans ce même temps votre personne fasse une demi-volte et qu’ainsi [74R] l’épaule gauche soit un peu devant et plus haute que la droite, et que le bras gauche suive le droit, et que la jambe gauche fasse que le pied tourne un peu à l’extérieur au côté gauche, et que le talon soit un peu soulevé du sol, tel que la main d’épée se trouve à l’extérieur de la jambe droite, en arrière d’un demi-bras, et un peu distante de la cuisse. Je dis que ce rovescio sera un coup entier et défensif, entier vous le voyez, défensif parce que le rovescio est un coup défensif naissant du côté gauche. Et ce coup fera naître une sixième garde nommée guardia larga offensiva imperfetta.

[74V]

[75R]

CON. Pourquoi large

ROD. Pour les mêmes raisons que nous avons nommées notre quatrième garde large. Offensive, car elle est du côté droit.

CON. Allons à la septième garde.

ROD. Voulant vous, Comte, de cette guardia difensiva, stretta ou larga, faire naître le même rovescio avec tous ces tours de la vie, des mains et des pieds, bien avec le pied droit devant, comme vous savez, il est nécessaire que la main d’épée dans sa descente n’aille pas plus bas que le genou, mais qu’elle s’arrête à l’extérieur et devant celui-ci d’un empan et que la pointe de l’épée regarde à ma poitrine, voyez-vous comment je fais ? Et ce coup sera un mezo-rovescio n’ayant rien fait d’autre que la moitié du chemin du rovescio entier, et il formera la guardia stretta offensiva qui sera notre septième garde.

[75V]

[76R]

CON. Pourquoi serrée ?

ROD. Ne voyez-vous pas que l’épée est restreinte à la présence à l’ennemi de sorte qu’elle est très proche pour l’offenser ? Offensive ensuite, car elle est du côté droit, duquel comme souvent je vous l’ai dit, naissent les gardes et tous les coups offensif.

CON. Le très excellent François Marie Duc d’Urbino, homme de valeur à son âge, de savoir et de prudence (selon peu) a loué outre mesure cette dernière garde et l’a placé avant quasiment toutes les autres. Mais de grâce illustre Rodomonte, recommençons et faisons un épilogue de ces sept gardes en les nommant à nouveau par leurs noms propres et en disant avec l’origine de chacune.

ROD. Je suis là pour vous faire cela et tout autre plaisir, Comte. La première garde est difensiva imperfetta et est générée du ceinturage de l’épée au flanc, elle est un temps ou mouvement défensif imparfait. La seconde est la guardia alta offensiva perfetta, faite du rovescio qui se fait en sortant l’épée vers le haut, coup défensif entier. La troisième est la guardia alta offensiva imperfetta faite du même rovescio entier. La quatrième se nomme guardia difensiva imperfetta larga, naît de la punta sopramano parfaite et entière ou bien du mandritto sopramano descendant jusqu’au sol et entier. La cinquième est nommée guardi difensiva perfetta stretta, formée depuis la punta sopramano non entière, ou bien depuis le mezomandritto sopramano descendant seulement jusqu’au genou droit. La sixième est dite guardia offensiva, elle naît depuis le rovescio entier défensif. La septième et dernière s’appelle guardia offensiva stretta perfetta, enfantée depuis le mezo-overso défensif. Les voici toutes dans l’ordre que nous avons suivi. Vous voyez maintenant, Comte, comment chaque coup ou mouvement est entre deux gardes, ou [76V] repos, et comment chaque garde est entre deux coups ?

CON. Je le vois clairement.

BOC. On pourra aussi dire que chaque action est au milieu de deux potentiels et que chaque potentiel est au milieu de deux actions. Parce la frappe, tant qu’elle est garde et qu’elle n’est pas encore en action sera un potentiel, quand ensuite on tire le coup effectivement, elle est une action.

ROD. Vous dites très bien Docteur, qu’une garde n’est rien d’autre que le potentiel d’un coup, et comment tout potentiel spécifique se réfère à son action propre et spécifique. Ainsi une garde spécifique correspond à son coup spécifique et propre.

CON. Je vous serais reconnaissant, Rodomonte, si vous pouviez me faire sous forme d’arbre vos gardes et les diviser comme vous avez fait pour les frappes de sorte que je puisse les retenir plus facilement, et vous les établir plus soigneusement à leur place.

ROD. Je le ferais, mais vous n’aurez pas autant de division et de fruits dans l’arbre que vous en avez dans celui-là qui comprend tous les types de frappes, simples et naturelles. Mais ici je vous fais seulement les sept gardes, toutes avec le pied devant, les plus importantes et utiles à celui qui en vient aux armes avec l’ennemi, parce que si l’on voulait compter toutes les gardes, cela serait quasiment infini.

CON. Vous divisez bien ces sept bonnes gardes avec ordre.

ROD. Voici, l’homme sera avec l’arme du côté droit ou du côté gauche. Si du côté droite, elle se nomme garde offensive ; si du côté gauche, elle est garde défensive. De la garde offensive parfaite partiront une punta ou une taille, si une punta en part, on la nommera offensive parfaite ; si c’est une taille, offensive imparfaite. La garde offensive parfaite sera haute ou basse. Si elle est haute, on la dira offensive parfaite haute ; si elle est basse, offensive parfaite serrée. La garde offensive imparfaite sera haute ou basse. Si [77R] elle est haute on la nommera offensive imparfaite haute ; si basse, offensive imparfaite large. Maintenant, passons aux gardes défensives d’où partiront une punta ou une taille. Si c’est une punta, on la nommera parfaite et il n’en existe qu’une seule que nous nommerons défensive parfaite serrée. Si un coup de taille en part, elle sera plus ou moins large. Si elle est bien large, elle est en tenant l’épée à la ceinture et on la nomme garde défensive imparfaite, si elle est moins large, on la nommera défensive imparfaite large.

CON. Ne part-il pas de punta depuis cette dernière garde ? Pourquoi la nommez-vous donc imparfaite ?

ROD. Vous dite vrai, mais on la nomme imparfaite parce qu’elle découvre trop la personne à l’ennemi et parce qu’elle est très large, vous pouvez aussi l’utiliser pour autre chose que pour mener une punta.

CON. De grâce, dessinez-moi cet arbre copieux de tant de bons fruits.

ROD. Pour vous faire plaisir, le voici.

[77V]

[78R]

CON. Maintenant que je me souviens de tous les noms, il serait bien que je les fasse comme je les ai en tête. Laquelle de ces gardes est la plus parfaite ? Laquelle est la plus excellente ?

ROD. Laquelle pensez-vous a le plus de valeurs, l’offensive ou la défensive ?

CON. Je crois que c’est l’offensive.

ROD. Entre les offensives, la parfaite n’est-elle pas plus excellente que l’imparfaite ?

CON. Le nom le dit.

RO. Entre les offensives parfaites, la haute ou la basse ?

CON. Cela semble être la haute qui découvre plus la vie de l’ennemi et qui peut le plus l’offenser avec toutes les forces unies, avec toute la personne et avec tous ses muscles, et qui peut l’offenser aussi dans les parties les plus vitales et les plus nobles.

ROD. Vous avez bien dit. Voici donc la guardia alta offensiva perfetta, être de la plus grande perfection et la plus valeureuse. Celle-ci est une garde très apte pour offenser l’ennemi de graves blessures et pour se défendre soi-même admirablement. S’il vient ensuite que l’ennemi soit plus petit que vous et que vous vous posez dans cette garde, il ne pourra jamais se risquer à venir contre votre pointe dirigée. Et s’il est intelligent, il restera bien à distance, parce que cela est une condition nécessaire au bon chevalier de bien considérer l’égalité ou l’inégalité de l’adversaire.

CON. Si l’illustre Seigneur Comte Ugo, patron de maison, homme de tellement de valeur, d’art et d’intelligence, qui est le premier Italien après Sa Majesté le christ, a cette garde pour favorite et que dans celle-ci il s’est bien exercé, étant de grande taille et bien proportionné, il a bien raison parce qu’il a parmi tous les autres chevaliers un plus grand avantage, ce que je me suis laissé dire.

ROD. Vous dite vrai, Comte, il est très important d’être de grande stature, bien proportionné des membres et d’avoir ensuite l’intelligence et une grande maîtrise comme l’a le Compte Ugo.

BOC. Notre [78V] Compte Ugo en vérité a fait mille belles preuves et a donné une très bonne réputation à sa patrie dans de lointains pays. Il est certainement un homme de grand courage et de parfait jugement.

CON. Cette garde plaît admirablement outre cela au sérénissime Seigneur Duc Albert de Bavière, dont il n’est pas possible de trouver un autre plus juste et plus défenseur de tous ces beaux arts et nobles disciplines.

ROD. D’autant que pour aucune autre partie et vertu ce Prince sérénissime ne mérite d’être loué et célébré si ce n’est pour sa constance et sa fermeté à défendre la sacro-sainte religion catholique au milieu de tant d’autres qui l’attaquent et ne veulent l’admettre. Et il me parait que cette louange devance toute grandeur et toute gloire qui ne soit jamais venu à sa maison malgré tous les empereurs qu’il a pu y avoir.

BOC : Après cela vous devez mettre en seconde place la faveur qu’il a faite aux lettres et aux lettrés, lesquels j’ai compris qu’ils sont par lui favorisés et récompensés hautement.

CON. Pas seulement les lettrés, mais tous les nobles esprits en ont reçu et réceptionné sous ce grand et magnanime Prince. Et je voudrai, Seigneur Docteur, que vous voyez sa librairie et ensuite que vous vous signez, car elle a été formée tout par lui avec des dépenses incroyables. Et je dis cela qui fini là mon opinion : qu’il a réuni des livres de toutes les facultés pour plus de deux cents milles scudi.

ROD : Je comprends qu’il a pareillement d’innombrables abondances de bijoux d’inestimables valeurs.

CON. Si je vous disais avoir vu près de lui des caisses pleines, vous me jugerez en vain, et bien d’un chevalier vous pouvez croire que je l’ai vu. Mais sachez qu’à la grandeur de ce prince s’en adjoint un autre, non moins mineur.

BOC. Et qui est celui-là ?

CON. Le prince Guillaume, son fils. Maintenant [79R] je voudrai, Docteur, que vous vous arrêtez pour contempler ce noble enfant plein de sainteté et de ferveur catholique, tout ardent de charité envers les pauvres, tout donné à la connaissance des choses abstraites, et retiré de la science commune des autres. Et sans doute vous jugerez que cela doit venir d’une réflexion très lucide de vertu, de bonté, de générosité et d’humanité à tellement d’autres. Mais dites-moi, Rodomonte, ne voulez-vous pas après que vous avez vu les sept gardes, m’enseigner l’escrime que vous m’avez proposée ?

ROD. Comme il vous plaît le plus.

CON. Il me plaît beaucoup de la savoir, quant à vous s’il n’est pas ennuyeux de me la montrer.

RO. Et il m’est d’un grand plaisir de vous la montrer.

BOC. Le signe du savant est de pouvoir enseigner aux autres, comme le fait maintenant Rodomonte, lequel peut et veut vous l’enseigner.

ROD. Je vous dis, Comte, que celui qui voudra bien savoir utiliser l’escrime pour offenser et pour se défendre qu’il lui sera nécessaire de bien savoir faire cette punta sopramano avec toutes ces voltes de corps, de mains et de pieds comme j’ai montré, et avec toutes ces caractéristiques et avec cette grâce de la vie jusqu’à tant qu’il le fasse avec beaucoup de facilité. Et si l’on fait cela, on pourra bien dire que l’on a compris ceci : qu’il est très nécessaire de mener des mains, ou soudainement, ou délibérément. Et afin que vous puissiez bien comprendre notre escrime sûre, voici que je vous dis et redis cela que vous retrouvant avec le pied droit devant en guardia alta offensiva perfetta et avec la personne reposant sur le côté gauche, et voulant faire naître de là la punta sopramano et la faire parfaitement, vous devez toujours accompagner la main d’épée avec le pied droit et avec toute la personne, autant de la partie haute que de la partie basse, et ne pas laisser aller en avant le côté droit bas sans l’accompagner du côté [79V] droit haut.

CON. Pourquoi ?

ROD. Pour pouvoir vous servir de toute la force de la personne. Et quand vous aurez à l’esprit de faire la punta sopramano, faite que le pied droit se déplace et aille devant d’un grand pas et aussitôt faites ensuite que le bras gauche se mette à descendre et que l’épaule droite pousse le bras droit devant, abaissant la pointe de haut en bas, prenant ma poitrine comme cible, sans faire aucune volte de la main, la poussant aussi loin que possible en avant. Dans ce temps, le talon du pied gauche suivra le droit, sans bouger néanmoins la pointe du pied gauche de sa place, tournant alors le poignet de la main d’épée avec le droit fil vers le côté gauche et descendant aussitôt jusqu’au sol, retirant le pied droit un peu en arrière et faisant que la pointe de l’épée raye le sol et chemine par devant vers votre côté gauche et auprès du pied droit pour finir auprès du pied gauche à un empan. L’épaule droite alors se trouvera bien basse et le bras gauche se trouvera en arrière, haut, et étendu par l’extérieur du côté gauche. Les pieds resteront pareils, mais la pointe du pied droit regardera à l’extérieur du côté droit, et la pointe du pied gauche à l’extérieur du côté gauche, les épaules seront visibles de l’ennemi plus que le côté avant, et la personne reposera par dessus le côté gauche, tel que vous vous retrouverez dans cette guardia difensiva larga imperfetta. Et je vous conseille bien, Comte, de ne pas rester dans ces gardes défensives basses, larges ou serrées, mais de faire que la main droite tourne la pointe de cette épée un peu en arrière par l’extérieur du côté gauche. Et en cheminant de bas en haut jusqu’à l’épaule gauche, le droit fil se tournera vers moi et le faux fil [80R] regardera votre épaule gauche, et là vous devez unir toute la force du corps avec celle des deux bras un peu incurvés et en retraits, d’où aussitôt vous pouvez mener un rovescio presque tondo, sans désunir le bras droit de la force du corps en faisant que le rovescio n’aille pas plus haut que les épaules, que la pointe ne soit pas plus haute que le pommeau, et le droit fil pas plus haut que le faux fil, mais que le plat de l’épée regarde vers le ciel. La jambe droite avec le pied ne se déplace pas, mais la gauche tourne un peu sur la pointe du pied avec le talon un peu soulevé de terre. Le rovescio ne doit pas dépasser la guardia alta offensiva perfetta, et dans cette garde on s’arrêtera, le bras droit devra être plié, en allant avec le coude autant que possible en arrière par l’extérieur du côté droit, et la main droite ne sera pas plus haute que l’épaule droite et la pointe de l’épée regardera à mon visage, l’épaule gauche sera un peu plus en avant que la droite et le bras gauche se retrouvera devant la poitrine avec la main vers le côté droit. Et faites que la personne se repose sur le côté gauche pour avoir la jambe droite libre et agile. Et en voulant de cette guardia alta offensiva perfetta faire à nouveau cette punta, vous devez soulever la main un peu en l’air et tourner le droit fil vers le ciel et la pointe sera alors plus basse que la main. Et aussitôt faites avec le pied droit un grand pas devant vers moi et dans le même temps faites descendre de haut en bas cette punta à ma poitrine. Et dans la descente de l’épée vers le côté gauche, vous ne devez pas la laisser s’arrêter dans une garde défensive basse, mais la faire cheminer de bas en haut vers l’épaule gauche, en faisant aussitôt le rovescio tondo, lequel s’arrêtera dans la guardia alta offensiva perfetta mais avec le plat, ou le plan de l’épée, et non le droit fil, tourné en l’air, en n’oubliant pas de faire toutes ces voltes de personne, de mains et de pieds déjà dites. Et ainsi en le faisant souvent on aura bien compris la punta sopramano offensive parfaite avec le rovescio tondo, avec tous ces gestes et voltes de la personne. Mais notez que si vous êtes plus petit que l’ennemi, vous aurez un grand désavantage à vous arranger de cette façon. Voyez-vous comment je fais toute cette escrime entière agilement ?

CON. Je le vois, mais je ne la ferais pas de sitôt.

ROD. Vous le ferez facilement plus tôt que vous ne le croyez, ayant vous dans les armes le jugement et la disposition, tout comme le fait l’excellent Seigneur Duc Octave Farnèse, lequel l’ayant entendu et vu de moi, s’imaginait d’avoir à beaucoup se fatiguer pour bien l’apprendre, mais il est ensuite devenu un maître meilleur que moi en peu de temps.

CON. Je le crois parce qu’il est d’une intelligence très subtile et très pointue, et appropriée dans chacun de ses jugements, comme si la nature avait été favorable outre mesure pour lui et pour toute son illustre maison, pour chacune de ses entreprises qui nécessitent agilité de la vie et force d’esprit.

ROD. Si nous vivons, Comte, nous verrons ce Seigneur le plus grand parmi tous les chevaliers et seigneurs, étant lui doté de valeur, vertu et savoir. Mais retournons à notre propos, je vous dis que cela est mon escrime, composée des plus parfaites offenses et des plus parfaites défenses qui soient ; c’est à dire de la guardia alta offensiva perfetta et de la punta sopramano offensive la plus parfaite. Vous avez ensuite aussi le rovescio tondo, coup défensif et bon, et la guardia diffensiva larga.

CON. Elle n’est donc pas un temps comme vous dite.

ROD. Au contraire, comme l’escrime est une, aussi le temps qui l’accompagne est un, et comme l’escrime [81R] a deux coups faits successivement sans vous placer en garde, qui sont le rovescio tondo et la punta sopramano, et a deux gardes, ainsi son temps en conséquence est composé de deux temps successivement terminés et de deux repos.

BOC. Vous dites très bien Rodomonte, excepté que le repos se mesure aussi avec le temps et il semble que vous distinguiez le temps des repos.

ROD. Selon notre parler j’entends par temps le mouvement et non le nombre de mouvements comme vous le comprenez.

CON. Aidez-moi un peu de grâce Rodomonte, si vous venez ensuite contre moi pour m’offenser, que dois-je faire ?

ROD. Venant contre moi toujours sous la guardia alta offensiva perfetta, mais néanmoins sans l’envie de m’offenser aussitôt parce que si nous sommes tous les deux des personnes de même taille, nous nous offenserons en utilisant la même offense dans le même temps et si je suis plus grand que vous, vous pourrez être facilement offenser par ma punta en restant moi-même sans aucune offense ou du moins très peu.

CON. Donc vous voulez toujours que j’utilise cette garde ?

ROD. Oui seigneur, parce qu’elle est la plus parfaite et meilleure que les autres pour offenser et aussi pour vous accommoder pour vous défendre de tous les cas dangereux. Voyez si je suis arrangé en guardia alta offensiva imperffeta pour vous offenser la tête avec un mandritto de haut en bas, quelle défense vous retrouverez Comte à ce fendente ?

CON. Je m’arrangerai en guardia stretta defensiva formée de la meza-punta sopramano avec le pied droit devant, et quand votre mandritto descendra, je soulèverai l’épée en allant contre la votre comme si je voulais former un autre mandritto, mais de sorte que la pointe de mon épée ne descende pas afin qu’elle soit plus haute que le pommeau, en tenant le bras bien tendu. De cette façon nous adjoindrons les épées [81V] ensembles à droit fil contre droit fil à la façon d’une croix.

ROD. Cela est l’escrime commune qu’enseignent tous les maîtres, et la majeure partie des combattants l’utilise. Mais cela n’est pas la bonne escrime pour vous défendre la tête parce que vous ne pouvez pas nier, Comte, selon la raison, que les coups qui descendent de haut en bas ne soient pas supérieurs à leurs contraires qui montent. Je pourrai donc avec mon coup descendant charger tellement contre votre épée que vous pourriez être offensé. Et s’il advient que vous vous défendez, comment évitez-vous ma tâche d’avoir voulu vous offenser ?

CON. Je tournerai la pointe de l’épée vers mon côté gauche par-dessus la vôtre, et de là je vous offenserai la tête d’un revers.

ROD. Pendant que votre revers cheminera, mon épée qui est descendante, tombera aussitôt et vous offensera la tête de cette façon.

CON. Je ferai donc descendre la pointe de l’épée vers mon côté droit de sorte que la votre doive suivre le chemin pour descendre vers mon côté droit jusqu’au sol, car tel sera son voyage, d’où votre épée étant descendu ou non, j’enverrai la mienne vers mon côté gauche sans bouger le poing d’épée, et ensuite je descendrai de haut en bas avec un rovescio à la tête vers votre côté droit et je ferai ainsi.

RO. Et dans ce même temps je tournerai le droit fil vers votre épée pour l’empêcher, je resterai alors défendu et en plus je pourrai vous offenser d’un rovescio sur votre bras droit ainsi.

CON. Donc je croiserai les épées comme j’ai fait en premier, c’est à dire à droit fil contre droit fil et en distançant un peu mon épée de la vôtre je descendrai avec un mandritto aux jambes vers votre côté gauche de cette façon.

ROD. Mais pour autant vous ne pourrez pas empêcher mon épée de tomber et de vous offenser bien au côté supérieur [82R] dans le temps où vous descendez à la jambe, vous voyez ?

CON. En fait, cela est vrai.

ROD. Retournez dans cette garde défensive serrée.

CON. Voici.

ROD. Me voilà arrangé en guardia alta offensiva perfetta comme vous me voyez, si vous ne faites pas d’autre défense que vos premières, je pourrais feinter de vouloir vous offenser d’un mandritto descendant à la tête, et vous vous défendant avec votre mandritto, moi je pourrai alors dans la descente faire que mon épée ne touche pas la vôtre de cette façon, et vous offenser le bras droit auprès de la main. Ensuite je me retirerai et vous resterez avec le bras droit blessé. Je pourrai aussi aller trouver votre jambe droite au lieu du bras et ensuite me retirer. Je pourrai feinter de vouloir vous offenser la tête d’un mandritto descendant vers votre côté gauche et faire ensuite un rovescio qui vous offense la tête du côté droit en faisant seulement une demi-volte avec le poignet. Je pourrai feinter aussi de vouloir vous offenser de haut en bas avec un mandritto et tourner aussitôt la pointe de l’épée devant à la façon de la guardia alta offensiva perfetta et de là descendre de haut en bas pour vous chasser cette punta sopramano au milieu de la poitrine, et je me retirerai ensuite rapidement. Voyez Comte, combien de feintes je ferai seulement parce que vous êtes arrangé en guardia stretta defensiva contre ma guardia alta offensiva imperfetta afin de vous défendre de mon mandritto descendant avec votre mezomandritto contraire ? Cela n’est donc pas une bonne parade.

CON. Que dois-je donc faire ?

ROD. Il convient, l’ennemi menant le coup qu’il veut, qu’étant bien dans cette guardia stretta difensiva, que vous tourniez la pointe de l’épée vers votre côté gauche de travers, de sorte que la pointe regarde vers ce même [82V] côté et le pommeau vers le droit comme si vous vouliez chassez la main à l’épée et de là, en unissant toutes les forces du corps ensemble, faites ce même rovescio tondo avec ces mêmes tours de mains et de pieds que je vous aie dit, et avec la même façon. Mais notez qu’en menant ce rovescio que les épées se rencontreront à droit fil contre droit fil, mais que le fort de votre épée devra rencontrer le faible de la mienne, où la mienne pourra facilement se briser par le désavantage de cette rencontre et aussi parce qu’elle descend de taille. Et vous serez aussi plus sûr en étant couvert avec le fort de votre épée.

CON. Comment dois-je me venger de l’insulte ?

ROD. Pendant que mon mandritto est rabattu par votre rovescio tondo en allant vers votre côté droit, vous soulèverez un peu la main d’épée en l’air et tournerez le droit fil vers le ciel, en faisant que la pointe de l’épée tombe un peu, et vous vous déplacerez avec le pied droit devant vers moi d’un grand pas. Ensuite faites aussitôt que le bras gauche descend et que l’épaule droite pousse le bras droit devant s’abaissant vers moi de haut en bas avec cette punta sopramano offensive en l’accompagnant de toutes les manières dites. Et si je ne vous donne pas réponse d’un coup quelconque, vous ne vous arrêterez pas là, mais vous soulèverez l’épée et en allant avec celle-ci devant le genou droit d’un empan, vous vous arrêterez en guardia stretta difensiva perfetta. Cela est la parfaite offense que vous devez faire suite à l’injure que vous avez reçue de ma part et suite à votre défense. Mais si je tourne d’autres coups pour vous offenser, vous avec ce même rovescio tondo vous pouvez toujours rabattre mon épée vers votre côté droit et me retourner une offense dans la poitrine avec cette même punta sopramano offensive parfaite. Ainsi, après [83R] que vous aurez fait une défense, vous pourrez toujours retourner m’offenser dans la poitrine avec la punta sopramano parfaite, parce qu’elle est le plus parfait et le plus sûr des coups qui se trouve. Et pour le redire brièvement, celui-ci se nomme le « Grand Coup », parce qu’il est nécessaire de faire conjointement union de toutes les forces du corps, de l’intelligence, des sentiments et de l’art. Et en accompagnant de ce coup, vous vous montrerez doté de savoir, de courage et de tempérament. Voyez-vous je vous pris comment je le fais.

CON. Je le vois et cela me fait grand plaisir.

BOC. Vous avez fait cette même escrime que vous lui avez enseignée un peu avant, l’ayant de nouveau dit de part en part.

RO. Et vous Philosophe, ne faites-vous pas à la fin un épilogue riche, contenant en bref la substance de toute l’œuvre ? Et ainsi moi je peux lui montrer combien est bonne et parfaite mon escrime pour offenser et pour défendre. Je l’ai montré dans ce cas particulier de combien de force elle est, les jours suivants je lui montrerai de quelle importance elle est dans toutes les façons qui peuvent se faire en offense et en défense. Mais pour maintenant je suis fatigué et nous avons l’épée en main quasiment deux heures. Je ne voudrai pas que le Compte Ugo m’attende trop, car nous devons chevaucher ensemble pour le plaisir. Vous ne dites rien Compte ?

CON. Je suis pleinement émerveillé de voir combien votre escrime est parfaite et fondamentale à tous les exercices de l’épée. Mais comment l’avez-vous réduite à une offense parfaite et à une garde parfaite ?

BO. Comme notre Aristote réduit tous les dix prédicats sous deux en-têtes, substance et accident, ou voulant mieux le dire sous action et potentiel, de sorte que chaque chose sera soit une action, soit un potentiel. Similairement j’invite Rodomonte à très bien réduire son art sous ces deux en-têtes, c’est-à-dire sous l’offense qui est [73V] une action sous la défense, ou garde qui est un potentiel. Et en prenant la plus parfaite action et le plus parfait potentiel, il en reste dans celle-ci toutes les autres actions inférieures et tous les autres potentiels inférieurs.

CON. Aujourd’hui, Rodomonte, vous m’aurez frappé mille fois avec cette punta, et même s’il l’avait voulu, je n’aurai pas pu faire aucune parade alors que même j’ai appris des choses de beaucoup de vaillant homme et de maîtres et que je me suis exercé tant de fois.

BOC. Peut-être que s’il vient aux mains, Rodomonte fera pire si le destin le veut. J’ai vu de très vaillants hommes exercés faire beaucoup de fois pire que d’autres non exercés dans les batailles, ainsi parce que le destin veut bien que ceux-ci fassent pire que les autres. Comme je pourrais l’éclairer avec de multiples exemples anciens et modernes.

CON. Cela je ne le crois pas.

ROD. Le Docteur dit vrai, je pense moi que cela arrive pour l’une de ces deux causes. La première est que l’homme doué dans cet art manque de courage ou de tempérament dans la colère. L’autre, que souvent l’homme par trop de courage et d’art sent qu’il a fait une erreur, où ensuite il reste dépassé et vaincu. Je pourrai encore dire que la fortune est une de ces raisons, laquelle comme ennemi de la vertu, ne peut pas supporter qu’un virtuose s’élève avec une autre aide qu’avec la sienne, craignant que les gens ne l’abandonnent pour en recourir à la vertu. Ne voyez-vous pas Compte que si les virtuoses s’élèves, on croira qu’ils sont élevé de par leur vertu et non par le bénéfice de cette fortune, tellement que tous les hommes se donneront à la vertu, abandonnant de fait la fortune. Et ainsi on voit que celle-ci aide les ignorants la plupart du temps.

BOC. Cela est une très belle raison. Je resterai donc sans apprendre votre vertu des armes, me remettant dans les mains de la [84R] fortune qui m’aidera dans ces occasions.

CON. Et qui sait si la fortune va vous aider ? De celle-ci, il n’y en a point qui peuvent s’en promettre ? Donc étant ainsi incertain, il sera nécessaire que vous craignant d’obtenir de l’aide avec la vertu et avec l’art.

ROD. Il est déjà l’heure que nous partons parce que le Comte Ugo nous attend. Demain nous ferons ensuite une autre partie d’exercice, Compte. Et je dirai sur cette escrime tout ce que je n’ai pu dire aujourd’hui.

CON.  Vous avez raison, allons-y

BOC. Et je reviendrai vous voir demain

ROD. Et nous vous attendrons avec impatience.

LA FIN