
Cette page regroupe les traductions de l’oeuvre de Marco Docciolini réalisé à partir de l’édition italienne parue en 1601.
Chap. 2. De la figure au moyen de laquelle se démontre la forme des gardes et des contre-gardes.
On trace, à partir du centre A, un cercle dont le rayon a la longueur d’un bras. Ce cercle est désigné par B et se nomme cercle mineur. Ensuite, on trace, du même centre A, un autre cercle dont le rayon est de deux bras. Ce cercle est désigné par C et se nomme cercle majeur. Cela fait, on trace une ligne droite partant du centre A jusqu’à la circonférence du cercle majeur. Cette ligne, appelée ligne de la droiture, commence au centre A, traverse le cercle mineur en B et se termine sur le cercle majeur en C.
On trace ensuite une autre ligne, également partant du centre A, qui se termine sur le cercle majeur, à une distance d’un bras de la ligne de la droiture, vers le côté droit de la circonférence. Cette ligne, appelée ligne droite de traverse, traverse le cercle mineur au point D et se termine sur le cercle majeur au point E.
Après cela, on trace une ligne similaire du côté gauche, également distante d’un bras de la ligne de la droiture. Cette ligne coupe le cercle mineur au point F et se termine sur le cercle majeur au point G. Elle se nomme ligne gauche de traverse.
Au moyen de cette figure, nous pourrons établir les règles des gardes et des contre-gardes, et surtout celles des mouvements des pieds, qui constituent la partie la plus difficile et la plus importante de cet exercice. C’est aussi l’aspect qui manque dans les ouvrages de ceux qui ont écrit avant nous.
Chap. 3. De certaines choses à noter pour comprendre la figure précédente
Pour bien comprendre la figure précédemment établie, trois points principaux doivent être notés.
Premièrement, je suppose que la taille de l’homme ordinaire est de trois bras. Cela n’est pas important si ce n’est pas précisément le cas, car vous pouvez adapter la figure proportionnellement. Toutefois, pour cet exemple, nous avons pris une taille de trois bras.
Deuxièmement, il faut noter que le pas d’un homme — c’est-à-dire le pas qu’il fait naturellement, sans exagération — correspond exactement à un tiers de sa taille. Ainsi, pour un homme de trois bras de hauteur, un pas mesure un bras.
Troisièmement, sur la figure, la distance entre le centre A et le point B (l’intersection du cercle mineur) est d’un bras, soit un tiers de la taille de l’homme, ce qui représente exactement un pas. De même, la distance entre B et C, où se termine la ligne du cercle majeur, est également d’un bras, soit encore un pas.
Ces points étant clarifiés, nous allons maintenant examiner comment se mettre en garde. À l’aide de cette figure, nous montrerons comment les gardes doivent être adoptées, ainsi que la manière de se déplacer avec les pas et les traverses.
Des deux gardes droites. Chap. 4.
Tenant fermement aux principes énoncés précédemment, nous allons commencer à nous mettre en garde. En premier lieu, nous parlerons des deux gardes droites : l’une haute et l’autre basse. Celles-ci, bien qu’étant de peu d’importance dans notre contexte, restent les plus simples à adopter.
Nous commencerons par la garde basse, que l’on forme de la manière suivante : placez le pied gauche sur la ligne de la droiture, au point C, et le pied droit sur cette même ligne, au point B, ce qui correspond à un pas large équivalant exactement à un tiers de la taille de l’homme.
La position des pieds devra être ainsi : la pointe du pied droit alignée sur la ligne de la droiture, et le pied gauche positionné de travers, de manière à ce que le talon du pied droit corresponde au milieu du pied gauche. Cette disposition permet à l’homme d’être plus stable sur ses appuis, de mieux abaisser son dos, et de réaliser plus aisément ses extensions, ce qui est d’une grande importance. La raison de cette position réside dans le fait que la pointe du pied droit, alignée, soutient le poids du corps vers l’avant, tandis que la pointe du pied gauche, tournée de travers, la soutient d’un côté, et le talon de l’autre.
Dans cette garde basse, le genou droit sera légèrement plié, et le poing de l’épée sera placé en avant, à la hauteur du genou droit, à une distance approximative d’un demi-pas. La tête sera tournée vers l’ennemi, et le bras droit sera bien bas, aligné directement avec l’oreille droite. Le poing de l’épée devra s’aligner avec la pointe du pied droit, de sorte que la pointe de ce pied, le poing, et l’oreille soient parfaitement alignés. Ainsi, la posture de la personne sera de profil, avec la tête tournée vers l’ennemi, le faux fil de l’épée orienté vers le haut et le droit fil dirigé vers le sol.
Je veux que le corps, et plus particulièrement la tête (qui donne l’impulsion pour les mouvements vers l’avant ou l’arrière), soit soutenu par le côté gauche, afin que le côté droit reste libre et léger pour avancer à tout moment. De cette manière, vous serez en garde basse, sans aucune gêne.
La seconde garde droite est la garde haute, dont la posture des pieds est presque identique à celle de la garde basse. Les différences notables sont les suivantes : je préfère que le pas soit légèrement plus serré, que le genou reste tendu, et que le poing de l’épée soit positionné haut, à la hauteur de l’épaule. L’alignement entre l’oreille droite et l’épée demeure le même que dans la garde basse.
Sachez que je ne mentionne pas ces deux gardes droites dans l’intention de les utiliser comme principales. Malgré leurs qualités, je ne leur accorde qu’une importance limitée. Je les considère uniquement comme utiles pour se défendre, ce qui ne constitue qu’une partie de l’escrime, sans permettre véritablement d’attaquer. Lorsqu’on est aligné sur une ligne droite, il est difficile d’offenser l’ennemi en tirant, et après avoir tiré, il devient ardu de se protéger.
Cependant, j’ai voulu introduire ces gardes principalement pour enseigner la façon d’accommoder une personne en garde ; ensuite, pour m’en servir afin de démontrer la force des contre-gardes. Ces dernières permettent d’attaquer l’ennemi en brisant ces gardes droites, tout en offrant une protection contre les coups qu’elles pourraient porter, actions qui constituent les deux éléments fondamentaux de l’escrime, comme nous l’avons déjà mentionné.
Chap. 5. Des contre-gardes, en premier des deux basses, où l’on démontre la règle de la traverse.
Ayant montré les deux gardes droites, maintenant nous allons démontrer les quatre contre-gardes, que j’ai nommées ainsi parce qu’elles peuvent non seulement défendre, mais aussi attaquer l’ennemi. Elles ont la capacité de briser la force de l’adversaire et de passer à l’attaque contre les gardes droites précédemment décrites.
Nous présenterons deux contre-gardes pour chacune de ces gardes droites : une sur le côté droit et une sur le côté gauche pour la garde basse, et de même pour la garde haute. Ainsi, ces contre-gardes seront au nombre de quatre : deux basses et deux hautes. Les deux basses seront presque identiques, ne différant que par leur position sur le côté droit ou le côté gauche, et il en va de même pour les deux hautes.
Pour expliquer leur exécution, nous commencerons par les deux contre-gardes basses. Je dis que l’on place son corps exactement dans la posture de la garde basse décrite plus haut, sur la ligne droite. Il faut observer la pointe de l’épée de l’adversaire et noter où elle semble dirigée : soit inclinée vers la droite ou la gauche par rapport au centre de la poitrine, soit directement sur la ligne droite.
Si la pointe de l’épée de l’adversaire est inclinée vers la droite, vous la déplacerez de même vers l’extérieur, sur votre côté droit. Cela permettra d’entrer sans qu’elle puisse vous blesser et d’attaquer l’épaule droite de l’adversaire. Pour cela, vous glisserez le long de son épée avec le fil droit de la vôtre afin de dévier son arme de la cible, et votre estoc visera l’épaule droite.
Et je veux qu’on tire l’attaque à la pointe de l’épaule pour les raisons que nous expliquerons ci-dessous dans le chapitre sur la cible. Et en même temps que vous tirez, vous devez vous tourner sur la traverse de cette manière : c’est-à-dire que le pied droit, qui se trouve sur la ligne droite au point B, accompagne le coup en avançant pour finir au point A. Mais on ne doit pas poser tout le pied exactement au centre du point, mais légèrement à côté, à la largeur d’un pied vers votre côté gauche, de sorte qu’en tournant l’autre pied sur la traverse (comme il sera dit), la pointe du pied ira toucher exactement le point A. Et le pied gauche, qui se trouve au point C dans la ligne de la droiture, doit en même temps accompagner le pied droit en étant soulevé et non traîné, et il doit aller sur la ligne gauche de traverse, au point G. Et pendant ce temps, le pied droit doit retourner se poser sur le point F de la même ligne.
Et également, en étant dans cette position après avoir tiré cet estoc à la pointe de l’épaule, vous pouvez remettre un autre estoc par l’extérieur de l’épée adverse sous son bras. Vous battez son épée avec le droit fil de la vôtre et la lui envoyez vers son côté gauche. Et s’il le permet encore, vous lui donnez un autre estoc sous le bras droit, et vous retournerez à nouveau sur la traverse du côté gauche. Vous irez avec le pied gauche vers le même point G, toujours à l’opposé de l’épée adverse, et le pied droit devra retourner se poser sur la même ligne gauche de traverse, au point F, comme il l’était au début, à environ un tiers.
Aussi, après avoir tiré le premier estoc, si vous souhaitez donner un revers à la place du second estoc, vous pouvez le faire en frappant vers l’extérieur. Et si l’adversaire permet ce battement (comme je l’ai dit plus haut), vous lui tournerez un revers à la jambe droite, en allant sur la même traverse comme mentionné ci-dessus. Et si l’adversaire ne permet pas ce battement, vous ne pourrez pas exécuter le revers, car vous n’aurez pas assez de temps, l’épée adverse étant trop bien alignée vers votre tête.
Mais retournons au premier cas où vous avez glissé votre épée sur la sienne, et lui avez mis votre estoc à la cible (comme je vous l’ai dit ci-dessus). Si l’adversaire, voyant venir cet estoc tout droit, veut le battre, veut le frapper en le poussant avec son épée pour l’envoyer vers son côté gauche, et qu’ensuite, il tire un maindroit. Puisqu’il sera forcé de venir à vous en vous offrant bien son bras droit devant, vers votre côté gauche, alors je veux que, pendant cette frappe, vous passiez en même temps votre pied gauche devant, vers le côté droit, et avec votre main gauche, je veux que vous alliez lui prendre son bras droit. Notez que je veux que votre jambe gauche aille à l’extérieur de la jambe droite de l’adversaire, et, ayant pris ce bras (comme je l’ai dit), je veux que vous le lui poussiez contre sa poitrine, et l’envoyiez vers son côté gauche. Ainsi, vous ferez en sorte que son côté gauche ne puisse pas venir devant. Après cela, vous lui donnez un estoc dans la poitrine avec facilité.
Vous pouvez également le jeter par terre avec facilité si vous le souhaitez, de la manière suivante. Ayant votre jambe derrière celle de l’adversaire, comme je l’ai dit, tout en appuyant avec votre bras gauche à sa poitrine, il ne vous restera plus qu’à lui plier le dos et à le tirer vers votre dos, en maintenant fermement votre jambe gauche, qui est celle qui le bloque. De cette manière, il se retrouvera à effectuer deux mouvements contraires, car votre cuisse gauche le pousse vers votre côté droit, et votre bras vers le côté gauche. Ainsi, vous le jetterez par terre avec facilité.
Et si vous vous trouvez trop éloigné de sorte que vous ne pouvez pas lui prendre le bras comme j’ai dit ci-dessus, et qu’il vous tire le maindroit, après l’avoir paré, vous vous trouverez si proche que vous pourrez lui saisir le poignet de la main, ou bien la garde avec votre main gauche, en mettant le bras gauche par-dessus votre bras droit. Et ainsi, vous lui tournerez le poignet, l’envoyant vers son côté droit. Et plus vous mettrez votre pouce sous son poignet, plus vous aurez de force pour le lui tourner.
Mais s’il ne vous frappe pas pour pousser vers son côté gauche (comme j’ai dit ci-dessus), mais que dans cet échange, il vous pousse pour l’envoyer vers son côté droit, je veux que vous cédiez à cette force et laissiez aller son épée aussi loin qu’elle voudra aller, car en cédant à cette force, elle s’éloignera de lui. Et si elle s’en va vers votre côté gauche, à ce moment, vous la trompez, en la lui mettant sous son épée, vers son épaule ou sa face, là où il vous plaira le plus. Et si, pour se débarrasser de cet estoc, de nouveau l’adversaire vous pousse vers son côté gauche, vous pourrez lui chasser un estoc sous le bras droit en vous jetant sur la traverse du côté gauche au point G.
Mais revenons à la seconde partie de la première division, nous parlerons du cas où la pointe adverse penche vers le côté gauche à l’intérieur. Alors, vous glisserez avec le droit fil de votre épée sur l’épée adverse (si bien que dans ce cas, si vous ne la trouvez pas, cela n’importe pas), et vous suivrez en tirant votre estoc. Vous irez avec la pointe de votre épée frapper l’épaule droite adverse, en vous jetant, comme il est dit, dans la traverse du côté gauche de l’adversaire.
Et lui ayant tiré cet estoc à l’épaule, s’il ne l’atteint pas, vous pouvez de nouveau avancer avec le pied droit devant, et mettre cet estoc au visage, avec le droit fil dirigé vers le côté droit de l’adversaire, glissant par-dessus son épée de sorte qu’il ne puisse rien faire, et qu’il ne vous présente pas son épée pour se défendre.
Et au cas où, par peur de cet estoc, il élève son épée, ou la déplace de sorte que celle-ci aille en dehors de votre ligne de vie vers votre côté droit, vous lui mettrez un estoc sous le bras droit. Dans le même temps, en avançant du pied droit devant, vous irez sur la traverse gauche au point marqué G, et le pied droit suivra le gauche. Et pendant que vous mettez l’estoc, vous tournerez le droit fil vers l’épée adverse, en tenant le bras bien tendu et en avant, de sorte que si l’adversaire vous tire un estoc ou une taille vers la tête, vous soyez déjà prêt à vous défendre.
Et si l’adversaire ne cherche pas à la pousser à l’extérieur (comme je vous l’ai dit), mais qu’il l’élève, et que vous vous trouvez suffisamment en dessous pour que l’épée adverse passe au-dessus de votre tête, vous devez tourner le faux fil sans déplacer l’épée de sa place, et de nouveau, en la glissant, vous pousserez un estoc vers le visage. Ainsi, il sera forcé de vous offrir le bras, lequel, en le prenant, vous le lui pousserez contre la poitrine. En passant du pied gauche devant, vous effectuerez la prise de la manière décrite ci-dessus.
Mais si, au moment où vous lui poussez cet estoc ci-dessus, il vient par peur lever le poing et que vous vous retrouviez proche, je veux que, sans passer du pied gauche devant, vous abaissiez votre dos vers l’adversaire de profil. Ensuite, avec votre main gauche, vous irez lui prendre son bras droit de la manière suivante : vous mettrez votre main gauche par-dessus votre main droite et vous saisirez le poignet de la main droite adverse, en plaçant votre pouce bien sous son bras. Avec une torsion vers le côté droit de l’adversaire (comme je l’ai dit précédemment), vous arriverez ainsi à lui faire mal, et vous pourrez lui donner un estoc à la poitrine ou là où vous le souhaitez.
Et si vous ne saisissez pas le bras, mais que vous placez la main sur la garde comme je l’ai décrit, vous lui enlèverez l’épée des mains avec facilité.
Et si l’épée est droite, ce qui est le troisième cas de la division, vous chercherez à l’enlever de la droiture avec le droit fil de votre épée et avec la position du dos, de manière à la porter à l’extérieur de votre ligne de vie, d’un côté ou de l’autre, là où cela vous semble le plus commode, tout en vous rappelant de suivre toujours cette règle de la traverse.