L’espadon de Franceso Alfieri

Maitre d’armes de l’illustre académie Delia de Padoue.
Où l’on montre à l’aide d’illustration le maniement et l’usage de celle-ci.
A Padoue, par Sebastiano Sardi, 1653

De l’espadon de Franceso Alfieri. Chap. I.

Il est une chose sûre, qu’entre tous les exercices et arts humainement exercés, aucun n’est plus excellent, ni plus illustre et plus utile que l’art militaire, parce qu’avec celui-ci se défendent les Rois, s’essaime les religions, se vengent les injustices, se maintient la paix et se réjouissent les peuples. Les anciennes et fameuses Républiques, lesquelles nous servent toujours d’exemples et d’inspiration pour nous montrer le chemin qui nous amène au bonheur civil, ont tellement eu en mérite la dextérité et l’agilité qu’ils ont considéré bénis dans leur jugement solennels ceux qui étaient plus forts et plus rapides que les autres dans la démonstration de ces dons qu’ils ont reçu de la nature et améliorer avec l’art. Ces exercices étaient également communs depuis les premiers siècles de la nation italienne.

 L’exercice de l’espadon sera ordonné parce qu’en garde les pieds se font prompts, qu’il rend le corps souple, que la main acquiert de la force, et qu’on détend les bras. Si nous regardons son origine et qui fut le premier à le mettre en usage et à l’améliorer, je dirais Salluste qui vécut durant le règne de Ninus. Ensuite ce fut dans l’Asie de Ciro[1], les Spartiates et les Athéniens en Grèce, et l’on passe aux Romains à la suite desquels nous avons l’académie publique dans laquelle des professeurs viennent former la jeunesse.

Il n’y  a ainsi aucun doute sur l’ancienneté et les merveilleux effets de l’espadon.

Et pour celui qu’il veut la manier parfaitement, il est nécessaire qu’il s’exerce dans l’art car autrement il ne réussira qu’à nouer et envelopper ses mains, chose qui n’arrive pas à quelqu’un d’expérimenté, lequel allant contre l’ennemi aura des parades rapides qui seront appropriées à la situation, et réalisées courageusement par la vertu, et il les accompagnera de la revanche.

À ceux-là donc, qui sans autres discours connaissent cette vertu, la tâche sera facile pour arriver à la perfection que vous désirez, en observant néanmoins les leçons des figures suivantes, lesquelles expliquent[2] ces particularités que je peux difficilement décrire avec les mots.

Et je mets fin ici au présent discours sur cette arme.

L’art sur le maniement de l’espadon. Chap. II.

On considère dans cet art la théorie et la pratique. La théorie est la façon dont nous devons opérer avec les armes en main contre un ennemi, et comment l’on doit se déplacer avec les pieds, porter les bras, et également savoir tirer les coups que nous apprenons pour des situations diverses et variées, et qui serviront pour offenser et pour se défendre. Aussi comment l’on donne des maindroits[3], des revers ronds, des fendants, des montants, des estramaçons et des obliques. Comment l’on fait des dégâts, des rotations, des moulinets, des changements de corps et comment l’on tire des estocs et des tailles de façons diverses et variées. Aussi comment vous portez, lancez, tournez d’un côté et de l’autre de pied ferme et allant en avant et se retirant dans les multiples façons que l’art enseigne.

Et avec cet exercice et cette étude, on devient plus courageux pour se défendre des gens au sang chaud, querelleurs et prompts à faire des insultes.

Et celui qui connaît bien l’usage[4] de cette arme habile qu’est l’espadon pourra aller contre toutes les armes adverses parce qu’il aura un bon avantage. Aussi cet homme pourra se défendre en tous lieux, dans une rue large, dans une étroite, sur une place, à la campagne, et cela qu’il soit assailli d’ennemis devant ou derrière.

Ce noble exercice est beaucoup utilisé dans les écoles des seigneurs italiens, polonais, français et allemands, ainsi que par des sujets remarquables d’autres nations. Et ils s’exercent à celui-ci pour acquérir de la dextérité, renforcer leur corps, se rendre agile et réveiller le génie endormi par nature. Enfin chaque porteur d’arme érudit pourra compter sur l’excellence de cet art à toute occasion pour défendre la vie et l’honneur, comme le montreront les leçons et les figures qui enseignent clairement.

De l’usage, de la longueur,  du fort et du faible de l’espadon. Chap. III

Je me suis efforcé de tout mon pouvoir que dans ce petit volume ne se trouve aucune chose qui ne soit pas approuvée par l’expérience, ni aucune expérience qui ne soit accompagnée de raison. Pour autant le studieux gentilhomme verra avec les figures suivantes la variété des placements et des postures du corps, des pieds et de l’espadon. Et dans ces lieux l’on discutera sur la nature de chacune et des effets qui peuvent en découler.

Et les discours seront ainsi fait que facilement l’on pourra comprendre avec raison à quel moment utiliser l’une ou l’autre, et avec quels avantages, ainsi que la façon que l’on doit suivre pour aller contre l’ennemi. Bien que l’homme ayant la science puisse aller comme il lui plait, parce que se trouvant dans une quelconque façon il fera bon dessein grâce à sa connaissance de l’art, lequel est le maitre de toutes les offenses et défenses.

Néanmoins en portant l’espadon comme il est dû, et en suivant les changements et les occasions données par l’adversaire, il devra agir de diverses façons parce que ce qui est bon pour l’une ne l’est pas pour une autre.

Sa lame se divise en deux parties, la première près de la main est la plus forte de toutes, et avec celle-ci on peut se défendre et résister à tous les très forts coups. La seconde qui suit est un peu plus faible mais elle est surtout la principale pour offenser, non seulement d’estoc mais aussi de taille. Ainsi l’espadon vient à être divisé en une moitié pour la défense et une autre pour l’offense.

Et sur sa taille, elle doit être aussi longue qu’un homme bien proportionné, ni grande, ni petite. Elle doit avoir deux fils tranchants et doit être très légère afin d’observer cet art qui consiste à tirer des coups de taille et des estocs avec une grande vitesse et peu de fatigue. Enfin elle doit posséder une bonne garde afin d’assurer la main, principal instrument pour œuvrer suivant la nature et les règles de l’art.  

Comment se portent le corps et  les pieds  à l’encontre de l’ennemi avec l’espadon. Chap. IV.

Le corps doit se porter bien disposé et naturel sans forcer, droit avec le visage réjoui, de sorte qu’après avoir pris l’espadon en main l’on puisse aller contre l’ennemi pour prendre un certain avantage et se libérer de tous les dangers d’être blessé par celui-ci.

Le Gentilhomme voulant se déplacer pour aller contre un adversaire, doit commencer par porter les pieds d’un pas ordinaire comme on l’effectue si bien dans la marche mais avec une plus grande rapidité de mouvement et des pas plus petits. Ce pas ne doit jamais s’agrandir à part quand cet homme va résister contre son ennemi quand il vient à lui pour l’offenser, soit seul, soit accompagné. Et aussitôt avec la rapidité qui est souvent la mère de la bonne fortune, il lui ferme la rue pour qu’il ne puisse pas le frapper avant.

Beaucoup tiennent pour opinion qu’un combattant doit regarder les yeux de l’ennemi, je ne sais pas sur quoi ils fondent celle-ci parce que je n’ai jamais vu, ni entendu, ni lu, que les hommes sont des basilics. Moi je dis que vous devez regarder le placement de la personne que vous souhaitez offenser et non ses yeux.

Celui qui observera cet art pourra aller contre toutes sortes d’armes honnêtes et résister à tous les changements de l’adversaire, en maîtrisant les positions du corps et l’espadon de telle sorte qu’il soit plus fort que l’arme adverse. Néanmoins l’exercice des parades est nécessaire pour aller frapper l’ennemi sans s’arrêter, comme nous le verrons dans les figures suivantes.

La façon dont on doit tenir l’espadon en marchant. Chap. V.

Nous traitons maintenant de la façon de porter l’espadon, laquelle est une arme très utile qui tient l’ennemi éloigné, qui n’est sujette à aucune interdiction et qui est commune dans toutes les provinces et est autorisée par tous les princes. Beaucoup la portent comme ils leur plaisent et sans règle, mais bien qu’il existe diverses manières, je n’en montrerai qu’une parmi celles-ci, laquelle est la meilleure car dans celle-ci l’on considère la marche des pieds, le mouvement du pas et la disposition du corps. Maintenant, voulant la porter sans ennui et sans gêne aucune, de jour comme de nuit, autant seul qu’accompagné d’amis, l’espadon doit être pris avec la main droite qui est la plus noble, et avec celle-ci on la portera dans la main gauche qui l’empoignera en la posant sur le même bras, comme l’enseigne la présente figure. Le gentilhomme étant dans cette posture peut continuer sa route, et s’il vient à être assailli en un contre un ou par plusieurs personnes, il peut rapidement empoigner et dégainer l’espadon de la main droite sans attendre, et œuvrer à l’usage que l’occasion réclame.

La prise de l’espadon et la mise en garde pour attaquer l’ennemi. Chap. VI.

Dans ce discours, on montrera que les figures enseignent bien mieux que ne le font les discours, parce que l’on peut voir dessiné la position ainsi que la façon que l’on se doit d’observer afin de la reproduire sans les failles qui pourraient naître de la faiblesse de l’écriture.

La figure suivante représente comment l’on doit s’arrêter dans la position dans un temps indivisible[5], et se tenir libre de pouvoir attendre et attaquer selon son bon plaisir.

Le gentilhomme voulant faire la première leçon doit commencer avec les deux tailles principales qui sont le maindroit et le revers, et qui sont portées et accompagnées conjointement de la main droite et de la gauche, en déplaçant les pieds et le corps, en tirant des coups bas ou haut suivant les cas et le temps. Ces deux tailles sont tirées indifféremment et répétées plusieurs fois. Le maindroit est tiré depuis le côté droit, et le revers est tiré de la main gauche. Et celui qui ira bien en examinant et en argumentant avec intelligence trouvera facilement les raisons d’aller contre tout le monde, comme nous raisonnerons dans un lieu puis un autre. Et maintenant, une autre de ces leçons suit.

La première façon pour commencer à manier l’espadon. Chap. VII.

Cette leçon composée de trois tailles est digne d’être observée pour la subtilité des coups et pour la maîtrise, ce qui est le dessein justement recherché par la présente figure. Avec celle-ci l’on commence le déplacement, et pour atteindre cet honneur qu’on désire, le corps doit être un peu courbé et mis contre la force. Les bras doivent être unis et l’on doit empoigner fortement l’espadon avec les deux mains. Et en marchant d’un pas naturel mais généreusement, l’on formera en un temps le premier coup de maindroit et le suivant de revers, et l’on recommencera plusieurs fois ces tailles, en tournant le corps et l’espadon autour[6] avec les mains et par-dessus la tête, et ainsi l’on va continuellement de cette façon autant en avançant qu’en reculant, comme le démontre plus efficacement la figure.

La garde de tête de l’espadon pour se défendre dans une rue ordinaire. Chap. VIII.

La figure suivante vous servira à vous remettre en mémoire les choses qui vous seraient sorties de l’esprit, par la longueur du temps et le peu de pratique, de ce que je vous ai donné de vive voix.

Maintenant, je vous montre toutes les leçons, lesquelles sont ainsi ordonnées car l’une est la suite de l’autre.

Ici, nous apprendrons comment se tirent les trois tailles en faisant la garde de tête avec l’espadon, et cela sert non seulement à montrer la disposition et la dextérité de celui qui l’exerce, mais il peut arriver qu’on le fasse par habitude de la pratique en combat.

On tiendra donc les bras tendus, et l’on donnera en tournant ces maindroits par-dessus la tête, et l’on fera de même avec les revers, ils doivent se pousser aussitôt en avant sans perdre de temps. On tournera les mains ensemble en suivant comme on le voit avec l’illustration. Et avec la coordination des pieds droits et gauches vous donnerez ainsi les coups en avant comme en arrière en faisant toujours attention à la justesse du pas, pour éviter les déconforts qui enlèvent tout mérite.

Comment doivent être fait les trois croix de l’espadon dans un lieu spacieux. Chap. IX.

Les présentes leçons sont toutes prises de la réalité à l’occasion de combats qui surviennent le plus souvent à sang chaud.

Nous sommes arrivés à la façon de faire les trois croix pour s’en servir quand on sera assailli par plusieurs personnes sur une place, ou dans une rue spacieuse. Et pour faire cela, il vous sera exigé beaucoup de justesse accompagnée toutefois de résolution et de bravoure comme le montre la figure précédente.

La première croix se compose de deux tailles de maindroit en les accompagnants du pied droit en tournant le corps et l’espadon autour, et chacun des coups fait son mouvement en tenant le pied gauche fermement au sol et en promenant l’autre avec la taille à deux reprises.

Ensuite on arrête le pied droit et on commence les deux revers ensemble avec le pied gauche. Et ayant fini ces deux coups, on se tourne pour commencer comme au début avec le pied droit et on passera vers le flanc droit en tirant les deux mêmes maindroits. Et une fois fini, on arrête le pied droit et on porte le gauche vers le côté gauche et on tire les deux revers. On retourne ensuite à la même place là où on a commencé.

La seconde croix se fait avec trois tailles de maindroit, et avec trois revers, les maindroits sont accompagnés par le pied droit, et les revers par le pied gauche, en tournant trois fois le corps avec l’espadon, tout en suivant cependant l’ordre ci-dessus.

La troisième croix se fait avec quatre tailles, et cela également de revers, en refaisant quatre fois par côté, un en avant, l’autre en arrière, et de même on le fait au flanc droit et au gauche en suivant la règle qui a été démontrée dans le précédent discours.

Le maniement d’estoc et de taille avec l’espadon. Chap. X.

Il y a beaucoup de façon par lesquelles on peut aller résolu contre l’ennemi sans s’arrêter, et en voulant faire cela on démontre une maîtrise d’une grande justesse.

Ici nous montrerons la leçon sur l’estoc et les tailles. Les mouvements principaux sont les maindroits et les revers, lesquels se forment par-dessus la tête, et sont exécutés en tournant à l’unisson le corps et les pieds comme on le voit dans la figure suivante.

On commence en premier avec le maindroit et dans le déplacement de la taille vous accompagnez le coup d’une estocade qui se détend en avant avec un pas. Et l’on fait de même pour le revers d’un côté et de l’autre, en répétant plusieurs fois le déplacement avec les tailles et les estocs ensembles. Et suivant l’endroit et l’occasion, l’on commencera un nouveau jeu pouvant se prendre de la nouveauté qui amuse et réjouis les amoureux des vertus.

Des trois croix d’estoc et de taille de l’espadon. Chap. XI.

J’ai peur de ne pas être fastidieux en reproduisant les mêmes choses ou de devenir obscur en les négligeant. Maintenant venons-en à travers les figures à la façon pratique de ce qui est discuté. Cependant on pourrait grandement être surpris que le dessin de l’une soit le même que celui d’une autre, mais celui-ci ne fait pas l’art, et bien qu’ils soient similaire dans la posture, ils sont néanmoins différents pour démontrer leurs actions.

La présente figure démontre une belle invention qui est de faire les trois croix avec les estocs et les tailles. Et afin que chacune puisse être comprise rapidement, je vais les décrire.

La première croix se fait avec deux tailles et une estocade ensemble, on commence avec le pied droit en laissant le pied gauche posé par terre et en tirant un maindroit, et cela se fait en tournant autour. Et on continue jusqu’à ce que les deux tailles soient finies et aussitôt on enchaîne l’estocade en tournant l’espadon derrière les reins, et on porte le coup uni en avant avec un pas rapide. De même les deux revers doivent être faits avec l’estocade ensemble, accompagnés du pied gauche. La même chose se fera du côté droit et du gauche.

La seconde croix est de trois tailles et une estocade en tournant, et on observe les mêmes circonstances de pieds, de corps et de prestance comme ci-dessus. En premier on tire trois tailles avec le pied droit et une estocade, et une fois cela fini on commence avec le pied gauche et on fait de même. Cela se fera en avant et en arrière, et au flanc droit et au flanc gauche, réparti en trois temps qui se font avec le pied droit et avec le gauche.

La troisième croix se fait de quatre tailles et une estocade similairement en tournant, cela se fait en avant et en arrière, et au flanc droit et au gauche, avec un pied ferme et l’autre tournant. Le pied droit ayant fini, celui-ci reste ferme et on bouge le gauche, et on continue cela pour jusqu’à la fin des quatre changements.

On supposera toujours que le pas et le temps sont proportionnels, car sans cela tous les efforts et tout le mérite sont perdus, et il n’est acquis tout au plus que le blâme.

Du moulinet en croix qui se fait avec l’espadon. Chap. XII.

Toutes les leçons sont ordonnées. Ici, nous devons apprendre à faire le moulinet en croix, qui non seulement sert à montrer l’état d’esprit mais aussi la dextérité de celui qui joue.

On doit donc tenir le bras tendu, comme le montre la figure suivante, et l’on se déplace en avant avec trois montants, et on tourne l’espadon et le corps ensemble avec le moulinet, et l’on retourne à la même place. Les mêmes montants se font également du côté arrière et on continue à gauche et ensuite du côté droit, et on le doublera pour son plaisir. Et bien que tout en lui-même soit très clair, néanmoins presque rien ne peut se mettre en pratique sans un maître.

Comment se manie l’espadon dans un espace dégagé. Chap. XIII.

Pour faire la leçon dans un espace dégagé, après avoir fait plusieurs passages de maindroits et de revers, en commençant du côté droit on fait les rotations de trois pas avec des tours de maindroits, et avec la même maîtrise on se retourne pour porter les revers au côté gauche. Et on les répète plusieurs fois suivant le nombre de personnes.

Il est nécessaire d’être constamment en mouvement en tournant le corps et l’espadon, dans un lieu puis dans un autre, comme l’enseigne la figure. Et à l’encontre de l’ennemi nous devons agir conformément à ce que l’occasion et le lieu demandent, parce que nous pouvons conduire les pas d’un côté et de l’autre de multiples façons, en se mettant dans un pas bien régulier. Et l’expérimenté dans ce noble exercice ne manquera pas de se faire connaitre.

Comment se feintent les tailles de l’espadon pour tromper l’ennemi. Chap. XIV.

La compétence de feinter de taille et frapper de taille est un d’un très grand avantage, et j’ajoute qu’elle est une règle de l’art. La figure n’a pas besoin de beaucoup de parole : elle montre de donner un revers et de frapper d’un maindroit,  elle fait les façons de frapper de maindroit et de couper de revers.

On pourra faire dans cette leçon ces passages qu’on a appris d’un maître, l’homme peut aller en avant et en arrière, en tirant les coups tendus avec le poignet de la main et la force du bras, ainsi qu’avec des pas bien ajustés.

La feinte n’est pas autre chose que de tromper, ce qui en lui-même est odieux. Cette tromperie dont je parle, n’offense ni la Justice ni la Foi, mais elle est un principe de l’art pour vaincre simplement l’ennemi, et elle est nommée Feinte.

Du pas et contre-pas avec l’espadon. Cap. XV.

Dans cette figure les bras se tiennent rassemblés[7] avec l’espadon pour faire le pas et le contre-pas. On fait jouer le corps d’un côté et de l’autre, en faisant trois tailles de maindroit et trois de revers, en chassant les pieds dans le temps où se font les tailles, en les portant autour et étendant les coups en avant, décidant pour chaque décision d’utiliser de la vitesse, sans se désordonner, et ainsi l’adversaire reste biaisé.

Le fondement principal dans cette leçon est de connaître son avantage, traversant là d’un côté et là d’un autre, en tirant des maindroits et des revers.

Beaucoup sont ennemi de la vérité et aiment plus les choses nouvelles bien qu’extravagantes. Ceux-là le font pour être tenus d’avoir un grand esprit, et même réformateurs de cet art, mais ils ne savent pas que de telles inventions ont tout du ridicule et qu’elles sont pernicieuses. Et celui qui ne sera pas les éviter sera facilement trompé. Cet art que je vous enseigne, sera toujours approuvé par ceux qui savent.

Comment doit se manier l’espadon dans une grande rue. Chap. XVI.

Les périples naissent là où ils sont le moins attendus. Le courage nous fait combattre mais la victoire est propre à la vertu pour se défendre des incidents tant en temps de guerre qu’en temps de paix.

En tournant l’espadon vers l’ennemi, on se placera dans une bonne garde pour résister à chaque offense.

Nous montrons pour la clarté de cette leçon comment l’on commence avec le pas naturel et l’on bouge de trois pas du côté droit pour attaquer l’adversaire, et avec trois maindroits on marche en avant, et trois autres fois on va au côté gauche avec trois revers, en travaillant autour de l’ennemi pour prendre un certain avantage sur lui après avoir fait plusieurs déplacements de maindroit et de revers suivant le besoin.

Et outre cela, on peut faire beaucoup de fantaisies, de tours, de demi-tours, et d’autres usages qui sont les ornements propres de l’art.

La façon de faire la couleuvre[8] de maindroit, et de revers avec l’espadon. Chap. XVII.

La figure suivante enseigne le déplacement en couleuvre pour cette leçon. On commence du maindroit, et l’on termine du maindroit avec cinq pas, de même on suit du revers, et l’on termine du revers. Les maindroits se font avec le pied droit, les revers avec le gauche, et cela sera répété plusieurs fois suivant les occasions.

Et l’homme peut se défendre de beaucoup de gens se retrouvant ou dans une rue étroite ou dans une rue large. Et on peut atteindre l’adversaire seulement avec l’extension du bras et la pliure du corps. Les mouvements autant de corps, de l’espadon et des pieds ne voudront jamais être rapides que sans aucun doute cela sera le plus sauf et une règle certaine qui dans une épreuve de tant d’estime dans laquelle il en va de la vie, n’importe qui pourra se défendre en tout lieu.

La façon de se tenir avec l’espadon pour faire le moulinet simple et double dans une rue étroite. Chap. XVII.

Nous sommes arrivés à la manière de comment on doit former les moulinets avec les montants des maindroits et les coups sous la main. Il n’y a pas de garde ou de coup d’escrime qui ne soit pas adaptés à l’art de l’espadon.

Voulant faire cet enseignement dont la présente figure décrit ma pensée, l’élève doit se trouver dans le déplacement du flanc droit ou gauche, et tourner l’espadon avec des montants ou des coups sous la main, et faire le moulinet simple, en allant toujours en avant afin de suivre l’adversaire, et retournant en arrière si on est pressé par l’ennemi.

Dans le moulinet double on avance avec la même règle, mais en tournant plusieurs fois le corps autour, en l’accompagnant des mêmes montants et coups sous la main, également en allant en avant comme en arrière.

Et je tiens pour certain qu’il est un très grand avantage d’assaillir.

Nous laissons les longs discours aux érudits, parce que notre profession consiste plus dans l’ouvrage que dans la parole. De cette façon avec l’espadon on peut aller contre une arme d’hast, une pique, ou une hallebarde, et la vaincre comme j’en ai fait voir le dessein de manière pratique plusieurs fois à divers moment en la présence des Seigneurs et des grands Princes.

Comment on doit œuvrer avec l’espadon de maindroit et de revers, pour se défendre d’ennemis sur un pont. Chap. XIX.

Dans le maniement de l’espadon, la dextérité et l’agilité prévalent sur la force.

On comprend clairement avec cette figure, la défense sur un pont, autant de maindroits que de revers, en commençant avec le pied droit et suivant avec le gauche, en tournant le corps et le pas trois fois autour, en marchant en avant et en retournant en arrière plusieurs fois suivant ce qu’occasionne l’ennemi, autant d’un côté que de l’autre du pont, en accompagnant toujours les coups avec le bras, les pieds et habilité.

Vous pouvez aussi frapper de certaines feintes et d’autres changements, qui servent d’ornementation aux leçons, et à montrer l’esprit de celui qui les pratique.

De la façon qu’on doit suivre en un contre un9 pour se défendre avec l’espadon. Chap. XX.

L’art consiste à posséder10 tout cette maitrise qui est recherché par l’élève afin de bien manier l’espadon contre un autre qui a la même arme.

Contre un autre ennemi, l’on doit observer la mesure et le temps, et également rechercher la nature et la qualité de son jeu. Et la plupart du temps de ces observations dépendent la défaite et la victoire.

L’homme qui voudra commencer le combat contre un autre, doit en premier s’arrêter en présence de l’ennemi, et suivant les mouvements de celui-ci il se déplacera avec bravoure, autant en avant qu’en arrière, ou alors au flanc droit ou au gauche. Et ainsi ils s’avanceront l’un contre l’autre peu à peu.

Si l’autre tire un maindroit, on pare du maindroit et frappe de revers, et si l’autre tire de revers, on se défend avec le revers, et coupe du maindroit.

Et il en est de même pour le montant et le coup sous la main. Et on continue ainsi jusqu’à ce que l’une ou l’autre partie soit satisfaite.

Je ne m’étendrai pas ici à répéter tout ce que j’ai déjà dit plusieurs fois auparavant. La présente figure enseigne la façon principale, n’oubliant pas qu’elles sont plus faites par la pertinence du savoir que pour enseigner à la jeunesse.

La fin de la présente œuvre. Chap. XXI.

On ramène l’espadon en la portant dans la main gauche comme le montre le dessin de la figure suivant fait par un bon tailleur. S’il était accompagné par quiconque qui se délecte de tels exercices, mes œuvres auraient plus de crédits et je serais bien souvent avec moins de difficultés.

Voici les brèves leçons que j’ai promise, voici le résumé que j’ai mentionné au début. Je ne me suis pas éparpillé dans les énoncés pour ne pas avoir à répéter plusieurs fois les mêmes choses. J’avoue, de ma faiblesse, que cela ne servira rien de moins qu’à stimuler d’autres plus désireux de retrouver ce que je n’ai pas su, et de le démontrer avec ce style dont mon esprit n’est pas capable.

Il est une chose difficile de plaire dans ce siècle apathique. Celui qui regardera mon âme trouvera ce qu’il envie. Et pour maintenant je sais que l’homme sage est toujours modéré.

[1] Asie mineure actuelle

[2] Fatto palose : Font évidente

[3] Dritti : reduction de mandritti, maindroits

[4] Artificio : artifice dans le sens d’usage de l’art pour obtenir un résultat déterminé |artifitio à revoir

[5] Un temps représentant un mouvement, un temps indivisible représente ici une position fixe donc

[6] Volgere in giro : tourner en rond, mais aussi équivalent à ruotare, déplacer avec une rotation, selon le TRECCANI

[7] Raccolte de raccogliere : dans le sens ici de mis ensemble (TRECCANI)

[8] Biscia : désigne un serpent inoffensif mais aussi les entailles dans le sol d’un bateau en bois utilisées pour évacuer l’eau de la cale et la transporter jusqu’au pompes (Anguillers, anguilliers, canal des a.)

[9] Corpo a corpo : le combat en un contre un

[10] Possedere : posséder dans le sens de connaitre à la perfection