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Début de la plupart des règles principales, ou documents sur le valeureux Art de l’Escrime.
Quelqu’un voulant jouer doit toujours combattre contre un plus vaillant pour son œuvre et sa réputation. Parce que la gloire du vainqueur dépend de la valeur du vaincu. Ainsi le perdant n’est pas à blâmer si la réputation du vainqueur l’embellit.
Le plaisir du jeu avec des joueurs divers et variés rend l’homme habile en lui donnant l’œil vif et les mains rapides. Parce que de la variété d’autant de pratiques ingénieuses provient la sage et savante expérience, mère de toutes les choses.
Tant que quelqu’un dans le jeu a des doutes sur l’autre, il ne doit jamais s’arrêter dans une seule garde, mais il doit immédiatement se déplacer dans une autre, de sorte que son ennemi ne puisse se faire aucun avis.
Contre les joueurs qui font leurs coups avec une grande rage, ce qui souvent engendre de la peur à leur compagnon, il peut être fait deux choses. Soit le laisser aller dans le vide et pousser (un estoc) aussitôt intelligemment en prétendant l’écœurement. Soit se jeter devant pour parer avant que le coup n’ait pris de la vitesse. On peut également lui frapper la main afin qu’il tire moins fort.
Bien que la frappe à la main de l’ennemi ne soit pas valide dans le compte du jeu au coup, elle sera la plus singulière à frapper dans le combat parce qu’elle est la première à se découvrir et aussi le membre de l’ennemi qui pourra le plus t’offenser.
Le plus admirable des coups est le mandritto parce qu’il est le plus courtois et le plus noble et qu’il se fait avec beaucoup de difficulté et de danger. Ainsi frapper du mandritto est plus dangereux que du roverso car ce premier fait aller l’homme totalement découvert dans le temps, et il est donc ainsi le plus admirable.
On doit toujours avoir les yeux à la main d’épée de l’ennemi plutôt qu’à son visage, parce que de là on voit tout ce qu’il compte faire.
La parade courtoise d’un coup n’est pas de peu de profit ni de peu d’élégance. En fait, elle est d’égale ou même d’une plus grande beauté que de faire un beau coup. Parce que beaucoup savent tirer de beaux coups, mais peu ont la science pour les parer sans être offusqués. Ce qui satisfait les observateurs.
Connaître les temps est une chose nécessaire, le jeu étant imparfait sans eux. À ce propos, je dois t’informer que quand le coup de l’ennemi aura dépassé ta personne, il sera alors temps que tu le suives avec la riposte qui sera la plus appropriée.
Les joueurs qui ont la vue courte doivent également avoir en main des armes courtes parce que leur vertu ne s’étend pas dans le lointain.
Également, quelconque joueur avec une arme courte ou une épée courte sera de meilleure vertu parce que cela force les joueurs à s’approcher, ce qui ainsi fait prendre de meilleures parades et fait de bons yeux.
Pour tout égard, la meilleure chose est d’entraîner les deux mains avec les jeux de toutes les armes, et de savoir ainsi frapper et défendre avec l’une comme avec l’autre.
Nous avons les gardes hautes et les basses. Le principe des gardes hautes est de frapper et de suivre avec la parade naturellement. Celui des gardes basses est le contraire : de parer et d’ensuite frapper. Et dans ces gardes basses, seul l’estoc est une frappe naturelle.
Comme de raison, on ne fait pas de frappe sans parade, ainsi toute parade doit être suivie d’une attaque, en utilisant néanmoins les temps. De sorte que si quelqu’un pare toujours sans jamais répondre d’une frappe à l’ennemi, cela informe de sa timidité manifeste. Sauf si avec ses parades il repousse l’ennemi en arrière, chose qui est procédée avec un grand courage. Et en réalité, les parades doivent se faire en allant en avant et non en arrière afin d’être capable de mieux atteindre l’ennemi et aussi d’affaiblir son coup qui nous arrive. Parce qu’en te frappant de près il ne pourra te nuire qu’avec la partie arrière de l’épée qui va du milieu à la garde et cela sera beaucoup moins douloureux qu’avec la partie avant.
Quand un bon joueur jouera avec un autre qui le fuit, chose qui enlève à ses vertus beaucoup de grâce parce qu’en le voyant s’enfuir il ne pourra pas faire de chose parfaite, il devra alors faire semblant de fuir pour donner le courage d’avancer à ce premier fuyard, et ainsi il ravivera son jeu de sa beauté perdu.
Les joueurs qui font beaucoup de coups sans mesure et sans temps, bien qu’ils puissent atteindre l’ennemi avec ceux-ci, sont disgracieux et sont plus les enfants de la chance que de l’art. Et ceux que l’on nomme joueurs sérieux et déterminés sont ceux qui cherchent à frapper leur adversaire avec le temps et avec la grâce.
Si l’on se trouve près de l’ennemi, l’on ne doit jamais tirer de coups finis, parce que l’épée ne doit pas s’éloigner de la personne pour la sécurité de celui qui la tient. Et frapper de ce coup imparfait est nommé un demi-temps.
Se trouvant deux joueurs ayant une égale science de l’art de sorte qu’aucun ne puisse donner à son compagnon de façon sûre. L’un peut avec mes conseils provoquer la chance en espérant vaincre avec l’une de ces deux façons. C’est-à-dire soit avoir l’œil pour tirer dans le même temps que l’ennemi aura pris. Soit il peut lui donner du mieux qu’il soit possible, et aussitôt se jeter contre lui en l’enlaçant, cela fait, chacun estimera lequel est le vainqueur.
Si quelqu’un veut faire tirer un coup à l’ennemi afin de le parer pour l’atteindre dans ce temps, il convient qu’il le fasse trois ou quatre fois de suite en faisant cela à la façon d’une invitation. Et parce qu’il est de coutume aux joueurs de singer, l’adversaire sera tenté de faire de même. Ainsi on lui aura fait tirer le coup que l’on désire.
Si vous voulez frapper l’ennemi à la partie haute, vous le tromperez en commençant par frapper à la partie basse. Et également, si vous voulez gagner la partie basse, vous ferez l’attaque à la partie haute. Parce qu’en se défendant dans les lieux de ces frappes, il sera forcé que les autres (lieux) se découvrent.
Parce qu’aucun coup ne peut être tiré sans passer raisonnablement dans une garde, il en suit que dans la montée ou la descente des gardes se démontrent la vertu des joueurs. Dans les grands champs, celui qui se parera de la victoire est celui qui assaillira à nouveau l’ennemi avant que son arme n’arrive dans une garde car celui-ci se tenant entre deux pensées, il peut plus facilement être frappé.
L’homme doit toujours avoir le bras bien tendu dans les parades de n’importe quel côté. Parce que non seulement il viendra à repousser les coups de l’ennemi à l’extérieur et loin de sa personne, mais cela le rend plus fort et rapide dans la frappe.
L’utilisation d’armes lourdes et l’amusement de frapper long et tendu nourrissent une bonne vigueur et une grande force. De sorte qu’en allant avec des armes légères en mains, l’homme deviendra plus agile.
Dans l’art de l’épée affûtée, il ne faut pas départir des gardes basses, car elles sont plus sauves que les hautes. Et la raison est que te trouvant dans une garde haute tu pourras être atteint d’un estoc ou d’un coup de taille aux jambes, alors dans les gardes basses, ces coups ne sont pas un danger.
Ceux qui auront le plaisir de parer les coups donnés avec le falso[1] de l’épée seront des joueurs valeureux parce qu’il n’existe pas de meilleure et plus forte parade, et parce qu’elle pare et frappe presque dans un temps.
Ni combattant, ni aucun joueur ne doit se laisser vaincre par la surabondance des coups ou par l’arrogance. Parce qu’alors il se privera de courage et le laissera entièrement à l’ennemi.
Le plaisir de l’épée seule est d’autant plus utile que celui des autres armes. Car la personne est très peu souvent accompagnée des autres armes en main comme de la rondache ou de la bocle, alors que l’on peut toujours avoir l’épée seule.
Si l’on combat contre un gaucher, le déplacement continu vers son épée est le meilleur moyen pour se défendre. Et quand il tire un roverso, on tire un mandritto à sa main d’épée. Et s’il tire un mandritto, l’on tire un roverso à la main ou au bras d’épée. Et cela promet une victoire sans doute.
Le déplacement équitable avec chacun des pieds suivant le temps et la nécessité est une chose très utile et profitable. Néanmoins, je crois que se déplacer en ayant toujours les pieds égaux est d’une plus grande utilité parce qu’ainsi l’on peut avancer et reculer sans désavantager la personne. J’ajoute également que l’homme peut ainsi jouer plus fortement que dans d’autres façons. Et quand je dis à pieds égaux, je signifie que les pieds ne sont pas éloignés de plus que la mesure d’un demi-bras, en accompagnant toujours la main avec les pieds et les pieds avec la main.
Chacun peut se nommer parfait dans cet art comme dans d’autres s’il peut l’enseigner aux autres. Parce que comme le dit le philosophe dans l’Éthique : le signe de la science est de savoir enseigner.
Jouant avec l’épée à deux mains au jeu large, on aura toujours les yeux sur la partie avant, du milieu de l’épée vers la pointe. Mais si on arrive aux estrettes de la mi-épée, on aura les yeux à la main gauche afin que l’ennemi ne nous fasse pas de prise de cette main.
Il est nécessaire que celui qui veut être un bon joueur connaisse l’art de la mi-épée. Car ceux qui ne savent jouer que du jeu large et qui arrivent au jeu restreint seront forcés de se reculer avec danger et opprobre. Et ils donneront souvent la victoire aux mains de l’ennemi, ou au moins ils montreront leur ignorance de cet art à ceux qui regardent.
Si quelqu’un se trouve être aux mains avec un plus puissant et plus fort que lui, il ne doit en aucune façon aller aux prises, parce que le plus faible sera contraint de s’allonger en dessous.
Touchant le choix des armes au plus fort, il doit armer le plus faible généreusement, parce que sa victoire est dans les prises, alors que la raison demanderait à ce que les faibles aient une armure légère.
Une grande personne ayant le choix des armes et combattant contre une petite, doit par toutes les façons lui armer les parties basses et non les hautes, car elle est plus apte à frapper ces dernières en raison de sa taille. Mais si le petit a le choix des armes, il convient qu’il fasse armer les parties hautes et laisse désarmées les parties basses.
Les combattants de vertu, force et taille égales peuvent choisir les armes avec indifférence.
Les armes plus courtes sont dites plus périlleuses parce qu’elles offensent de plus près et sont d’un plus grand danger. De telle sorte qu’il n’est pas possible de parer facilement leurs coups à cause de la vitesse à laquelle ils arrivent. Ainsi, il s’ensuit que la pertuisane est plus dangereuse que la lance, comme le poignard l’est par rapport à l’épée.
Quand deux personnes jouent ensemble, celui qui frappe de riposte est plus louable que celui qui frappe le premier. Parce qu’il démontre plutôt d’une incrédulité qu’une perte de vigueur à la suite de la réception d’un coup.
Il n’est pas autorisé après la réception d’un coup de faire plus d’une riposte en avançant d’un pas. Et en faisant bien celle-ci avec tout son génie, on peut récupérer son honneur.
Les coups à la tête sont comptés pour trois en raison de l’excellence de ce membre. Le coup tiré au pied pour deux en égard de la difficulté de faire un coup aussi bas.
Le joueur valeureux est celui qui redouble ses coups.
Les armes les plus longues sont préférables aux plus courtes. Et ainsi la lance est choisie plutôt que l’épieu, en la tenant contre ce dernier non pas au talon de par la dangerosité de sa longueur, mais au milieu avec un peu d’avantages. Et de même, la pertuisane doit être choisie plutôt que l’épée à deux mains.
On fait peur à l’ennemi en tirant des coups du milieu vers le haut plutôt que du milieu vers le bas. Parce que les yeux, et en conséquence le cœur, se laissent vaincre par ces éblouissements.
Il doit être observé que l’ennemi n’ait point d’avantage dans les armes, ou dans d’autres choses, parce que cela pourrait lui donner la victoire.
On ne doit jamais exposer le dessein de ses coups à l’autre, mais au contraire bien comprendre celui de son adversaire. Cela parce qu’en combattant d’une humeur calme, on doit remédier aux desseins de l’autre. Mais en étant au jeu où il en va de l’honneur, il est ici une chose louable de montrer son dessein à son opposant.
[1] Falso : le faux, soit le faux tranchant, ou faux fil, de l’épée, le tranchant qui regarde vers nous quand on tient l’épée vers l’avant, en opposition au vrai tranchant, ou droit fil. Le terme falso est aussi utilisé pour désigner une frappe avec ce faux tranchant.