L’épée et poignard chez les premiers auteurs Bolonais : Similarités

Maintenant que nous avons réduit le travail d’analyse à deux auteurs dans l’introduction, et avant de prendre les armes en mains pour expérimenter, regardons de plus près ce que ces deux auteurs décrivent au sujet de ces armes.

Pour rappel voici les liens vers les traductions et tableaux des pièces pour chacun :

À partir de la lecture de ce matériel, nous constatons plusieurs similarités entre ces deux auteurs. Examinons-les :

1. Une opposition avec l’épée affûtée

Nous sommes ici dans les abattimenti, les combats avec la spada da filo, l’épée de fil en traduction littérale, soit l’épée affûtée, en opposition avec la spada da gioco, l’épée de jeu, utilisée avec la petite bocle.

2. On va à l’essentiel

C’est assez clair chez Manciolino vu le peu de pièces qu’il nous propose. Du côté de Marozzo, celui-ci nous le précise dans son introduction :

Maintenant, note que j’ai évité toute fantaisie et que je n’ai mis que les choses qui m’ont paru les plus brèves et les plus utiles pour celui qui doit combattre.

3. Un jeu fait pour les patients

Toutes les pièces proposées par ces deux auteurs sont réalisées du point de vue du patient (la personne subissant l’attaque). Chez Marozzo, en dehors de l’épée contre les armes d’hast, seule cette combinaison d’arme ne décrit aucune pièce du point de vue de l’agent (la personne réalisant l’attaque).

En plus de cela, Marozzo nous indique comment provoquer l’ennemi afin que celui-ci nous attaque en premier :

Maintenant, note, une fois pour toutes, que si possible je veux que tu le laisses tirer en premier. Mais s’il ne veut pas tirer en premier, je veux que tu suives cet ordre : c’est-à-dire que tu lui tireras un falso de bas en haut à sa main d’épée ou de poignard en restant bien avec le pied gauche devant et en faisant des pas chassés.

Autant chez Manciolino, il est en accord avec ce qu’il nous dit dans son introduction :

Jouant à deux ensemble, celui qui frappe de riposte est plus louable que celui qui frappe le premier ; parce qu’il démontre sa cruauté plutôt que la perte de vigueur après réception d’un coup.

Alors que du côté de Marozzo, cela est en contradiction avec ce qu’il nous annonce dans le chapitre 65 à l’épée accompagnée de la cape.

Mais en premier je veux que lui (l’élève) soit agent : c’est à dire je veux qu’il soit le premier à attaquer. Parce qu’il est plus honorable pour quelqu’un d’être agent que d’être patient. Et toujours il est demandé qui a été le premier à entrer, et par ailleurs le premier à tirer saisis le courage et égare le compagnon.

Ainsi, pour quelle raison Marozzo ne nous montre aucune pièce pour l’agent ?

Moretto da Brescia - Ritratto virile a figura intera - 1526
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Un gentilhomme avec son épée et son poignard – Moretto da Brescia – Ritratto virile a figura intera – 1526

4. On ne reste pas longtemps au jeu

Dans un certain nombre de pièces décrites, la couverture se réalise avec un retrait de plusieurs pas en arrière et même un saut dans le cas de Manciolino. Marozzo explique pourquoi au chapitre 51 dans le second livre :

Sache que dans toutes ces pièces où je t’ai fait te retirer de trois ou quatre pas vers l’arrière, je l’ai fait parce quand tu donnes ces coups à ton ennemi, celui-ci endurera d’en recevoir d’autres pour pouvoir t’en donner un dans sa furie. Mais si tu te retires avec ces pas ci-dessus au moment où tombe sa colère, il ne pourra pas venir à toi bestialement. Donc, n’oublie jamais cela.

J’ai tendance à croire que l’enchainement de plusieurs pièces dans un même chapitre chez Marozzo est juste une mise en forme de l’enseignement plutôt qu’une description d’un enchainement qui arriverait naturellement durant un combat. Ces enchainements sont là pour nous aider à nous remémorer ce que l’on a appris avec Marozzo (oui il assume que le lecteur a été son élève et que son traité nous sert d’aide-mémoire). En l’occurrence j’aurais tendance à dire que ce retrait de plusieurs pas s’applique après toute action.

Enfin dans le livre 1, au chapitre 25, Marozzo donne avec quelles armes peuvent se réaliser les prises et estrettes de la mi-épée, l’épée avec le poignard n’y sont pas citées. Certainement parce qu’on ne recherche pas à arriver à cette mi-épée avec une dague en main. Comme il est dit au chapitre 58 sur la dague accompagnée de la cape :

Je veux que tu saches que plus les armes sont courtes, plus elles sont périlleuses.

5. L’utilisation des mêmes gardes

Enfin un dernier point commun entre ces deux auteurs et qui sera la base de notre travail d’expérimentation est l’utilisation des mêmes combinaisons de garde. La similitude saute aux yeux avec le découpage des pièces de chaque auteur.

Coda lunga e stretta de l’épée / Porta di ferro stretta du poignard

Manciolino n’utilise que ces deux gardes alors que chez Marozzo, cette combinaison est employée dans plus de la moitié des pièces.

De plus, l’utilisation de cette garde de coda longa e alta pour attendre l’ennemi fait écho au chapitre 141 de Marozzo sur celle-ci :

Cet élève étant allé en coda longa e alta avec sa jambe gauche devant, et je veux que tu saches que cette garde est bonne et utile pour être patient. Et pour cela, je te demande de dire à tous tes élèves qu’ils doivent se mettre en premier lieu dans cette garde pour se défendre de leur ennemi.

Porta di ferro * de l’épée / Guardia di testa du poignard

Si l’on ajoute à cette première combinaison, toutes les autres pièces composées d’une variante de la porta di ferro de l’épée, qu’elle soit stretta, larga, cinghiara, avec la guardia di testa du poignard, on arrive à un total de 90 % des pièces.

 

Nous allons donc axer notre travail sur ces deux combinaisons de gardes pour les prochains articles, l’une pour couvrir notre côté droit et l’autre pour le gauche. Le passage de l’une à l’autre se faisant tout simplement sur un pas, rien de bien compliqué ici par rapport aux nombreuses gardes décrites dans les différents traités de la tradition.

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