Dans cet article nous allons aborder les défenses depuis la principale garde utilisée à l’épée – dague : la coda longa e alta de l’épée avec la porta di ferro stretta du poignard. Toutes les pièces de Manciolino utilisent cette garde et chez Marozzo, elles représentent plus de la moitié des actions décrites. Enfin, il s’agit de la garde qui est en illustration au début du chapitre chez Marozzo.
Contenu
Reprenons donc le tableau des actions chez les deux auteurs en le limitant à cette combinaison de gardes :
Chap. |
Attaque |
Cible |
Parade |
37 |
Mandritto |
Jambe |
Parade avec le droit fil du poignard, pointe vers terre Grand pas du pied droit vers la droite avec un mandritto à la jambe |
38 |
Mandritto |
Tête |
Grand pas du pied droit avec parade de l’épée pointe vers la terre Ponta au flanc du poignard Recule le pied droit avec un mandritto fendente |
43 |
Mandritto |
Tête |
Grand pas du pied droit vers la droite avec parade du vrai tranchant du poignard Ponta de l’épée au flanc Recule le pied droit avec un roverso tramazzone à la façon d’un molinello |
43/44 |
Mandritto |
Tête |
Grand pas du pied droit vers la droite avec parade du vrai tranchant du poignard Mandritto à la jambe Recule le pied droit avec un roverso sgualembrato |
45 |
Mandritto |
Jambe gauche |
Parade du vrai tranchant du poignard en faisant une mezza volta di pugno Pas du pied droit avec ponta ou mandritto à la tête ou aux jambes Retrait de 2 ou 3 pas en arrière |
45 |
Mandritto |
Jambe gauche |
Parade du faux tranchant du poignard Pas du pied droit avec ponta ou mandritto à la tête ou aux jambes Retrait de 2 ou 3 pas en arrière |
45 |
Mandritto |
Jambe gauche |
Recule le pied droit un peu de travers avec mandritto traversato au bras d’épée et poignard en guardia di testa et l’épée tombe en cinghiara porta di ferro stretta Retrait de 2 ou 3 pas en arrière |
46 |
Mandritto |
Jambe |
Parade du falso de l’épée Roverso à la cuisse droite avec dague en guardia di testa Recule le pied droit avec un falso de l’épée |
47 |
Mandritto |
Jambe |
Parade du falso de l’épée Pas du pied droit avec un fendente de l’épée et dague en guardia di testa, l’épée tombe en porta di ferro stretta Recule le pied droit avec ponta de l’épée sous le poignard au visage |
48 |
Roverso |
Tête ou jambes |
Tire le pied gauche auprès du droit et laisse passer Grand pas du pied droit avec un roverso à la jambe et poignard en guardia di testa, l’épée tombe en coda longa e stretta Recule le pied droit avec une stoccata de l’épée sous le poignard au visage |
49 |
Roverso |
Tête ou jambes |
Parade du vrai tranchant du poignard avec souvent la pointe vers la terre Pas du pied droit vers la droite avec roverso sgualembrato de l’épée à sa tête et poignard en guardia di testa, l’épée tombe en coda longa e distesa Recule le pied droit avec un falso ou une stoccata |
50 |
Falso |
Main de poignard
|
Pas du pied droit avec parade du vrai tranchant du poignard en faisant une mezza volta di pugno vers le bas qui va en coda longa e stretta Ponta de l’épée à la poitrine ou mezzo mandritto à la jambe avant Retrait de 2/3 pas en arrière |
Manciolino |
Mandritto |
Tête |
Parade en guardia di testa du poignard |
Manciolino |
Stoccata |
Parade de falso du poignard Stoccata au flanc en avançant un peu du pied gauche |
|
Manciolino |
Punta Mandritto |
Visage Jambe |
Parade du poignard Parade de falso de l’épée Pas du pied droit vers la droite en donnant un mandritto à la tête ou à la jambe Pied gauche suit le droit par derrière et le poignard va en guardia di testa Retrait de 3 ou 4 pas en arrière |
Manciolino |
Punta Roverso |
Tête Jambe |
Parade du poignard Parade du poignard avec la pointe vers la terre |
On peut constater que la plupart des défenses sont données pour une attaque en mandritto. Ce qui est logique vu que notre côté gauche est découvert et donc vulnérable directement à un mandritto adverse. Nous avons ensuite les parades pour le roverso, l’attaque avec seconde intention et pour la provocation. Décomposons donc les parades pour chacune de ces attaques.
Enfin, on notera aussi que les attaques sont portées à la tête ou à la jambe, jamais au flanc. Si l’on regarde bien l’illustration plus haute, cela semble évident : le poids de corps est bien porté sur l’avant pour réduire les cibles possibles à la tête et à la jambe gauche.
Sur une attaque de Mandritto
Classons ces attaques suivant les cibles et reprenons notre tableau
Chap. |
Attaque |
Cible |
Parade |
Manciolino |
Mandritto |
Tête |
Parade en guardia di testa du poignard |
38 |
Mandritto |
Tête |
Grand pas du pied droit avec parade de l’épée pointe vers la terre Ponta au flanc du poignard Recule le pied droit avec un mandritto fendente |
43 |
Mandritto |
Tête |
Grand pas du pied droit vers la droite avec parade du vrai tranchant du poignard Ponta de l’épée au flanc Recule le pied droit avec un roverso tramazzone à la façon d’un molinello |
43/44 |
Mandritto |
Tête |
Grand pas du pied droit vers la droite avec parade du vrai tranchant du poignard Mandritto à la jambe Recule le pied droit avec un roverso sgualembrato |
Manciolino |
Stoccata |
Parade de falso du poignard |
|
45 |
Mandritto |
Jambe gauche |
Parade du vrai tranchant du poignard en faisant un mezza volta di pugno Pas du pied droit avec ponta ou mandritto à la tête ou aux jambes Retrait de 2 ou 3 pas en arrière |
45 |
Mandritto |
Jambe gauche |
Parade du faux tranchant du poignard Pas du pied droit avec ponta ou mandritto à la tête ou aux jambes Retrait de 2 ou 3 pas en arrière |
45 |
Mandritto |
Jambe gauche |
Recule le pied droit un peu de travers avec mandritto traversato au bras d’épée et poignard en guardia di testa et l’épée tombe en cinghiara porta di ferro stretta Retrait de 2 ou 3 pas en arrière |
37 |
Mandritto |
Jambe |
Parade avec le droit fil du poignard, pointe vers la terre Grand pas du pied droit vers la droite avec un mandritto à la jambe |
On remarque qu’à l’exception de deux cas, les chapitres 38 et la troisième parade du chapitre 45, nous parons toujours de notre poignard. J’ai volontairement omis dans ce tableau les chapitres 46 et 47 que nous verrons plus tard.
Passons maintenant en revue chacune des parades du poignard suivant les cibles.
Sur une attaque à la tête
Marozzo nous dit de parer avec le vrai tranchant du poignard. Manciolino nous dit lui clairement de prendre la guardia di testa ce qui revient en fait à la même chose. Il faut dans cette parade bien tendre le bras gauche afin de bloquer l’épée adverse. Dans le cas contraire, si la frappe est donnée avec force, elle peut écraser notre dague. Chez les deux auteurs, la suite à cette parade est soit une punta au flanc, soit un mandritto à la jambe toujours en marchant de la jambe droite vers notre droite. On peut supposer que notre adversaire porte son attaque en protégeant sa tête avec son poignard, ce qui nous laisse ainsi le champ libre aux cibles basses.
La parade de l’épée et la riposte de la dague effectuées dans la pièce 38 font exception par rapport au reste. Nous n’avons pas encore pu déterminer le contexte exact de l’utilisation de cette parade. Nous la laissons donc de côté pour le moment.
Sur une attaque aux jambes
Nous distinguons ici deux façons de réaliser la parade. Soit nous tournons la pointe du poignard vers le sol et nous parons avec le vrai tranchant de celui-ci vers notre gauche (chapitre 37 et 45). Soit nous parons avec le falso du poignard.
Nos premières expérimentations nous ont beaucoup fait douter de la parade de falso sur une attaque à la jambe. Mais nous n’avons pas ici de précision sur la hauteur à laquelle l’attaque est réalisée et nous sommes donc arrivés à la conclusion suivante :
- Sur une attaque basse : parade en tournant la pointe du poignard vers le sol
- Sur une attaque à mi-hauteur : parade du falso du poignard
La mi-hauteur commence ici à la position du poignet quand nous nous trouvons en garde, soit à mi-cuisse. De plus, Manciolino utilise cette parade de falso sur une stoccata. Il ne précise pas la cible, cela peut être le flanc ou la tête, dans les deux cas, la parade est assez triviale, car la force de l’estoc est facilement écartée par le poignard.
Nous nous sommes alors posé la question du pourquoi de la parade de faux tranchant du poignard à la place d’une parade de vrai tranchant. En fait, si nous voulons parer du vrai tranchant à mi-hauteur, il nous serait nécessaire de casser notre poignet vers la gauche, ce qui nous rend plus faibles structurellement. Sur une attaque portée avec autorité, notre poignard pourrait ainsi se retrouver écrasé vers l’intérieur et laisser passer la lame adverse. Alors que si l’on ne casse pas notre poignet et qu’on le gaine en écartant légèrement le bras gauche pour prendre la parade, nous sommes très fort structurellement et il est alors impossible à notre adversaire d’écraser notre poignard. Et au contraire, à hauteur de la tête, si nous parons une attaque de taille avec le faux tranchant, la situation en est inversée.
Enfin, il reste le cas de la pièce 45 avec la frappe de mandritto traversato au bras d’arme tout en reculant. Il s’agit ici d’attaquer la main d’arme dans l’attaque adverse. Nous sommes typiquement sur un des temps définis par Dall’Agocchie
« Le troisième lorsqu’il élève son épée pour vous attaquer, pendant qu’il élève la main, ceci est le temps de frapper. »
Conclusion
Nous avons donc au final trois hauteurs d’attaque pour le mandritto, et chaque hauteur possède ses propres parades :
- à la tête :
- parade en guardia di testa sur les tailles et estoc
- parade de faux tranchant sur les estocs
- à mi-hauteur : parade du faux tranchant
- à la jambe : parade du vrai tranchant, pointe du poignard vers le sol
Sur une attaque de Roverso
Premièrement, ayant notre épée et notre dague couvrant notre côté droit, on peut se demander pourquoi notre adversaire attaquerait notre côté couvert. Sa frappe irait alors directement dans notre épée !
Nous y voyons ici deux raisons. La première étant la volonté de notre part de lui donner une ouverture soit en gardant les armes trop basses ou trop hautes. On le voit assez régulièrement dans d’autres parties du traité comme ici :
« Tu lui donneras un peu d’ouverture à la partie du dessus de sorte qu’il ait une raison de tirer là » Chapitre 80.
La seconde raison viendrait d’un manque d’inattention de notre part, provenant de la fatigue par exemple, qui nous ferait baisser les armes et prendre une mauvaise position de garde. Nous n’avons ici que deux hauteurs au contraire du mandritto vu que la mi-hauteur est occupée par notre épée et notre poignard.
Reprenons donc notre tableau avec les seules attaques de roverso.
Chap. |
Attaque |
Cible |
Parade |
48 |
Roverso |
Tête ou jambes |
Tire le pied gauche auprès du droit et laisse passer Grand pas du pied droit avec un roverso à la jambe et poignard en guardia di testa, l’épée tombe en coda longa e stretta Recule le pied droit avec une stoccata de l’épée sous le poignard au visage |
49 |
Roverso |
Tête ou jambes |
Parade du vrai tranchant du poignard avec souvent la pointe vers la terre Pas du pied droit vers la droite avec roverso sgualembrato de l’épée à sa tête et poignard en guardia di testa, l’épée tombe en coda longa e distesa Recule le pied droit avec un falso ou une stoccata |
Les parades
La première parade consiste à reculer la jambe avant pour laisser passer la frappe adverse. Si on revoit la position de garde, on observe que les premières cibles à disposition en dehors de la main sont la tête et la jambe. En reculant juste la jambe avant, nous faisons reculer ces deux cibles d’une distance assez importante. En fait plus nous serons bas sur nos appuis, plus cette distance sera importante. De plus, on sait qu’une frappe de roverso est plus courte qu’une frappe de mandritto de par l’orientation de la main.
La seconde parade se réalise à nouveau en utilisant le vrai tranchant du poignard. Sur l’attaque à la tête, il suffit de monter la main de poignard. Sur l’attaque à la jambe on va de nouveau tourner la pointe vers le sol, mais cette fois-ci dans l’autre sens en faisant tourner la lame par notre intérieur, notre gauche. Notre poignet gauche se retrouve ainsi en supination sur la parade.
La riposte
Sur ces deux parades, la riposte est un roverso sgualembrato. Dans le cas où l’on esquive la frappe, celui-ci est porté à la jambe, car c’est la cible la plus proche. Et si l’on pare avec la dague, il est porté à la tête vu que nous n’avons pas à casser la distance contrairement à l’esquive. On a pu constater ici que riposter de roverso permet aussi de passer plus facilement entre les armes adverses sans se faire contrer.
Sur une attaque avec seconde intention
Manciolino nous donne clairement deux attaques avec seconde intention. Il ouvre d’estoc à la tête pour enchainer de mandritto ou de roverso. Chez Marozzo, cela est moins clair, mais une des pièces est tellement proche de celle de Manciolino qu’il s’agit certainement du même cas.
Reprenons donc le tableau en le limitant aux secondes intentions :
Chap. |
Attaque |
Cible |
Parade |
45 |
Mandritto |
Jambe gauche |
Recule le pied droit un peu de travers avec mandritto traversato au bras d’épée et poignard en guardia di testa et l’épée tombe en cinghiara porta di ferro stretta Retrait de 2 ou 3 pas en arrière |
46 |
Mandritto |
Jambe |
Parade du falso de l’épée Roverso à la cuisse droite avec dague en guardia di testa Recule le pied droit avec un falso de l’épée |
47 |
Mandritto |
Jambe |
Parade du falso de l’épée Pas du pied droit avec un fendente de l’épée et dague en guardia di testa, l’épée tombe en porta di ferro stretta Recule le pied droit avec ponta de l’épée sous le poignard au visage |
Manciolino |
Punta Mandritto |
Visage Jambe |
Parade du poignard |
Manciolino |
Punta Roverso |
Tête Tête ou Jambe |
Parade du poignard |
Feinte de punta suivie d’un mandritto
Comme on peut le constater dans les pièces des chapitres 46 et 47, Marozzo utilise la même parade que Manciolino sur la feinte d’estoc suivie d’un mandritto. Pourquoi Marozzo utiliserait-il l’épée pour parer plutôt que la dague s’il s’agissait d’une attaque de première intention ?
Il protège ici la tête avec la dague sur la feinte et le reste du corps avec le faux tranchant de l’épée. Cette parade de faux-tranchant n’est pas ici d’une frappe, mais juste de positionner l’épée avec le falso tourné vers notre intérieur et la pointe vers le sol. Ainsi tout notre côté gauche est couvert. L’expérience nous a montré que l’enchainement punta et mandritto étant très rapide d’exécution, il est impossible pour le patient d’utiliser la dague pour parer les deux frappes à la suite.
Au sujet de la riposte, on peut aller au plus simple en attaquant la jambe d’un roverso, l’épée étant déjà dans la position de frappe. Ou alors on peut frapper d’un fendente ou d’un mandritto. Pour ces deux cas, l’armement se réalise à la façon d’un tramazzonne. La cible ici dépend toujours de la position de la dague adverse.
J’ai aussi rajouté la pièce 45 de Marozzo, car il peut arriver que l’agent arme trop largement son mandritto suite à la punta et donc ce contre s’applique ici dans ce cas.
Feinte de punta suivie d’un roverso
Ici nous n’avons que le texte de Manciolino. Mais les deux parades, celle sur la feinte et celle sur le roverso, se réalisent avec la dague vu que cet enchainement d’attaques est plus lent que le précédent. On peut donc imaginer que Marozzo sous-entends ce genre d’enchainement aussi dans les pièces des chapitres 48 ou 49.
La difficulté ici est plus pour l’agent. Il est en effet assez compliqué de réaliser cet enchainement sans arriver directement dans l’épée adverse. Pour cela, il peut frapper soit à la tête, soit à la jambe. Dans le premier cas, la parade du patient est très simple et demande très peu d’effort de sa part. Le second sous entends que le patient a laissé son épée trop haute ou alors qu’il est parti dans la parade de faux tranchants en s’attendant à l’enchainement punta et mandritto.
La riposte ici dépend de la hauteur du roverso, si celui est donné à la tête, le patient peut alors frapper d’un falso dans les mains. S’il est donné à la jambe, nous pouvons frapper d’une stoccata au flanc. Bien sûr, il est aussi possible de donner un roverso comme après toute attaque de roverso.
Conclusion
À l’opposé de l’autre combinaison de gardes, ici toutes les parades se réalisent avec la dague sur l’attaque en première intention. Nous avons néanmoins un schéma très simple à appliquer, une parade pour chacune des ouvertures possibles. Le choix est le plus souvent laissé ici pour la riposte, mais en général il suffit d’attaquer la première ouverture disponible.
Voici donc un récapitulatif des parades :
- Sur un mandritto
- à la tête :
- parade en guardia di testa sur les tailles et estoc
- parade de faux tranchant sur les estocs
- à mi-hauteur : parade du faux tranchant
- à la jambe : parade du vrai tranchant, pointe du poignard vers le sol
- à la tête :
- Sur un roverso
- Parade du vrai tranchant du poignard
- Sur feinte de punta et mandritto à la jambe :
- Guardia di testa du poignard et parade du faux tranchant de l’épée pointe vers le sol
- Sur feinte de punta et roverso :
- Parade du vrai tranchant du poignard
Suite à ces parades et ces ripostes, il nous faudra étudier dans un prochain article les façons de se couvrir pour sortir du combat.
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