L’épée à deux mains Marozzo – Assaut 1 – partie 1

Dans le cadre de l’évènement HEMAC Florentia 2015, rencontre AMHE organisée à Florence par l’AIMA, l’association italienne des maîtres d’armes, une compétition portant sur le premier assaut à l’épée à deux mains de Marozzo est organisée. Il s’agit ici de démontrer complètement notre interprétation de ce premier assaut avec précision, fluidité et rapidité. Ayant traduit Marozzo, travaillant dessus depuis quelques années et l’enseignant même toutes les semaines, il s’agit ici d’une bonne occasion pour moi d’aller faire valider en quelque sorte mon travail.

C’est l’occasion aussi d’alimenter ce blog en présentant mon analyse et mon interprétation de cet assaut. Il reste environ dix semaines avant l’évènement et il y a dix parties à cet assaut. Je présenterai ici donc une partie par semaine. Et même si je connais déjà une bonne partie de l’assaut, certaines parties sont encore assez obscures et cela sera donc une bonne occasion d’avancer sur mon interprétation et ma compréhension du jeu à l’épée à deux mains de Marozzo, qui est loin d’être le plus facile de tout le traité.

Les billets de blog seront découpés en quatre parties : la source (transcription et traduction), l’analyse, la synthèse sous forme de tableau et mon interprétation en vidéo.

Avant de commencer, je rappelle que vous pouvez trouver sur le site une nomenclature des frappes, ainsi qu’un guide des gardes à l’épée à deux mains.

La source

Cap. 161. Del primo assalto de giocco largo.

Hora guarda che al nome de Dio daremo principio a l’arte della Spada da due mane, de gioco largo, e ancho de stretto, e de prese de spada, faremo pure assai belle cose, e faremo anchora contra arme in astate da solo a solo & in compagnia, & a ogni fogia che acadesse adoperare la ditta spada da due mane, sichè pertanto tu starai atento, e notarai lo infrascritto ordine.

In prima le di bisogno che tu vadi atrovare el tuo nimico con uno di quelli andari a gioco che a te parera per fino a tanto che serai appresso del ditto. Hora essendo arivato apresso del tuo nimico, tu te metterai in guardia de testa per andare atrovare el ditto inimico, ma guarda bene che se lui fusse in porta de ferro alta, le dibisogno che tu falaci de uno falso impuntato per defora dalla spada sua dal suo lato dritto passando con la tua gamba manca, e dritta inanci tragando insieme de tale passare uno mandritto per testa con uno tramazon insieme per modo che la tua spada se acalera in porta de ferro larga, e alhora sel tuo nimico te tirasse per testa tu butterai la tua gamba dritta inverso alle sue parte dritte, e si torrai el parato con el filo dritto della Spada tua caciando in tale parare la ponta della ditta spada in la facia de lo inimico, & in uno medesimo tempo tu passarai della tua gamba manca inverso alle sue parte dritte, e in tal passare tu li tirerai de uno roverso fendente in su la testa, & la tua spada se acalera in coda longa & alta, con il pie manco inanci. Ma sel tuo nimico in tale calare te tirasse per testa tu tirerai la gamba manca apresso della dritta, & si incrosiarai in tal tirare forte le tue bracie driciando pure la ponta della spada in la facia de lo inimico, e a questo modo tu haverai parato la botta del sopraditto, e parato che tu haverai, tu butterai el tuo pie dritto due spanne indrieto, e si tirerai de uno falso dritto de sotto insuso per le mane del nimico, e in tal tirare, la gamba manca andara forte de drieto dalla dritta per modo che tu sarai con la tua spada in porta di ferro alta, e la gamba manca seguira la dritta per de drieto, e li voglio che tu aspetti el nimico.

Chapitre. 161. Du premier assaut du jeu large.

Maintenant, regarde qu’au nom de Dieu, nous donnerons le début de l’art de l’épée à deux mains, du jeu large et également du rapproché, ainsi que des prises d’épée. Nous ferons ainsi beaucoup de belles choses et nous les ferons également contre les armes d’hast en un contre un, et en compagnie, et dans toutes les formes qui peuvent utiliser cette épée à deux mains. Donc pour cela tu resteras attentif et observeras les règles ici écrites.

Premièrement, il est nécessaire que tu ailles trouver ton ennemi avec un de ces allers au jeu qu’il te plaira, de sorte que finalement tu seras près de celui-ci. Maintenant, étant arrivé auprès de ton ennemi, tu te mettras en guardia di testa pour aller trouver cet ennemi, mais regarde bien que si lui est en porta di ferro alta, il est nécessaire que tu fasses un falso impuntato par l’extérieur de son épée à son côté droit, passant de ta jambe gauche et de ta droite en avant, tirant dans ce déplacement un mandritto à la tête avec un tramazzone ensemble, de sorte que ton épée tombera en porta di ferro larga. Et alors si ton ennemi te tire à la tête, tu jetteras ta jambe droite vers son côté droit, et tu prendras la parade avec le droit fil de ton épée, dirigeant dans cette parade, la pointe de ton épée dans la face de ton ennemi. Et dans un même temps, tu passeras de ta jambe gauche vers son côté droit, et dans ce pas tu lui tireras un roverso fendente à la tête, et ton épée tombera en coda longa alta, avec le pied gauche devant. Et si ton ennemi te tire à ta tête dans cette tombée, tu tireras la jambe gauche près de la droite, et alors dans ce pas tu croiseras fortement tes bras, en dirigeant bien la pointe de l’épée dans la face de l’ennemi, et de cette façon tu auras paré la botte de celui-ci, et cela fait, tu jetteras ton pied droit de deux empans en arrière, et alors tu tireras un falso dritto, de bas en haut, aux mains de l’ennemi, et dans cette frappe la jambe gauche ira fortement derrière la droite de sorte que tu seras avec ton épée en porta di ferro alta, et que la jambe gauche suivra la droite par derrière, et là je veux que tu attendes l’ennemi.

La transcription a été réalisée à partir de l’édition de 1536. Pour la traduction, comme à mon habitude, j’ai volontairement laissé les termes techniques de gardes et frappes en Italiens. Sur ce passage, j’ai décidé de traduire « che tu fallazi » par « que tu fasses » et non « que tu feintes » comme on le trouve dans d’autres traductions en ligne, en effet il s’agirait ici d’une ancienne forme de subjonctif appliqué au verbe fare.

Analyse

Détaillons chacune des sous-parties et analysons ce que Marozzo nous dit :

Premièrement, il est nécessaire que tu ailles trouver ton ennemi avec un de ces allers au jeu qu’il te plaira, de sorte que finalement tu seras près de celui-ci.

Tout d’abord, aucun « aller au jeu » n’est décrit par Marozzo pour l’épée à deux mains, il faudrait ici extrapoler à partir des assauts à l’épée-bocle par exemple. Pour le moment, laissons donc tomber cette partie.

Maintenant, étant arrivé auprès de ton ennemi, tu te mettras en guardia di testa pour aller trouver cet ennemi, mais regarde bien que si lui est en porta di ferro alta, il est nécessaire que tu fasses un falso impuntato par l’extérieur de son épée à son côté droit, passant de ta jambe gauche et de ta droite en avant, tirant dans ce déplacement un mandritto à la tête avec un tramazzone ensemble, de sorte que ton épée tombera en porta di ferro larga.

On commence donc en guardia di testa et l’on frappe d’un falso impuntato. Marozzo nous donne quelques détails sur cette frappe aux chapitres 95 et 116. Il s’agit d’une frappe qui suit la trajectoire d’un tondo qui peut se réaliser du côté gauche ou du côté droit. Il faut donc frapper de faux tranchant avec la lame à l’horizontale au côté droit de l’ennemi ici.

Ensuite, le texte n’est pas très clair par rapport à l’ordre des déplacements dans ce cas. On pourrait se déplacer sur le falso impuntato. Ou bien se déplacer sur les deux frappes suivantes. Ou même faire un mélange des deux. De par nos expérimentations de cette pièce, j’en suis arrivé à la conclusion que la frappe de falso se réalise de pied ferme afin de tester mon adversaire, de voir s’il réagit. Si c’est le cas, je peux enchainer de mandritto, car il se sera découvert au côté gauche en venant parer à mon côté droit. Pour que cela soit réaliste et que notre adversaire ait envie de parer, il faut mettre de l’intention de corps, car nous sommes hors distance.

J’en arrive donc à marcher du pied gauche en réalisant un mandritto. Si je veux que celui-ci prenne de la puissance, il faut y mettre les hanches et il est donc nécessaire de marcher légèrement vers la gauche comme pour arriver en cinghiara porta di ferro. Cela est plusieurs fois conseillé dans le traité. L’enchainement avec le tramazzone se fait naturellement.

Enfin, l’on peut même préciser qu’il s’agit d’un mandritto tramazzone. En effet, toutes les frappes de mandritto terminent dans un garde de type porta di ferro alors que toutes les frappes de roverso terminent dans une garde de type coda longa. Et ici nous terminons dans la garde de porta di ferro larga, d’où le mandritto.

Et alors si ton ennemi te tire à la tête, tu jetteras ta jambe droite vers son côté droit, et tu prendras la parade avec le droit fil de ton épée, dirigeant dans cette parade, la pointe de ton épée dans la face de ton ennemi. Et dans un même temps, tu passeras de ta jambe gauche vers son côté droit, et dans ce pas tu lui tireras un roverso fendente à la tête, et ton épée tombera en coda longa alta, avec le pied gauche devant.

On retrouve ici un classique de l’école Bolonaise comme je l’ai déjà décrit dans cet article à l’épée-dague. Même si cela n’est pas précisé ici, la parade consiste à prendre la guardia di faccia, on retrouvera la même situation tout au long de ce premier assaut. Il semblerait que Marozzo aime bien nous décrire les mêmes enchainements de façon très légèrement différente et en dispersant les détails tout au long de ses répétitions.

Donc pour ce cas, on peut légitimement supposer que notre adversaire nous attaque à la tête d’un mandritto. On pare celui-ci du droit fil de notre épée en étendant les bras vers l’avant et en dirigeant la pointe dans son visage, en guardia di faccia donc. Si malgré cette parade/riposte réalisée sur un seul temps, notre adversaire réagit et vient en parade. Il ramènera alors son fort sur notre faible avec d’écarter notre lame vers son intérieur, notre droite. Il ne nous restera donc plus qu’à utiliser la force qu’il nous donne pour le frapper d’un roverso fendente.

Et de même qu’à l’épée-dague, croiser les jambes permet ici d’être plus fort dans la parade et donne plus de puissance dans la frappe de roverso qui en découle.

Et si ton ennemi te tire à ta tête dans cette tombée, tu tireras la jambe gauche près de la droite, et alors dans ce pas tu croiseras fortement tes bras, en dirigeant bien la pointe de l’épée dans la face de l’ennemi, et de cette façon tu auras paré la botte de celui-ci, et cela fait, tu jetteras ton pied droit de deux empans en arrière, et alors tu tireras un falso dritto, de bas en haut, aux mains de l’ennemi, et dans cette frappe la jambe gauche ira fortement derrière la droite de sorte que tu seras avec ton épée en porta di ferro alta, et que la jambe gauche suivra la droite par derrière, et là je veux que tu attendes l’ennemi.

À l’identique du passage précédent, il s’agit aussi d’un classique à l’épée à deux mains de Marozzo, nous retrouverons ce passage dans beaucoup de parties du premier assaut. De même, il manque aussi certaines précisions qui nous seront données plus tard. Mais le fait de croiser nos bras tout en ayant la pointe de l’épée dirigée vers le visage adverse correspond ici à la guardia di croce, qu’il utilisera dans les prochaines occurrences de ce passage.

Il faut par la suite tirer un falso dritto depuis cette position. Or ce n’est pas une frappe qui vient naturellement depuis cette garde. Il a fallu trouver comment l’armer et la façon la plus simple de mon point de vue est de lancer la pointe épée en l’air par notre extérieur pour remonter de falso, cela ressemble donc à un molinello inversé.

Au niveau du déplacement, nous avons pour une fois une indication de mesure : deux empans.

L’empan (spanna) est une mesure ancienne équivalant à 25-30 centimètres. On recule donc ici d’environ soixante centimètres. Mais n’ayant jamais d’information précise sur le déplacement que l’on qualifiera de naturel, il n’est pas possible de savoir s’il s’agit d’un pas plus grand ou plus petit que d’habitude. Le déplacement suivant où en frappant de falso l’on recule fortement le pied gauche, est décrit plus tard comme un « gamba levata », la jambe levée. Ce gamba levata est décrit par Marozzo au chapitre 34 comme le fait de ne reposer le pied qu’une fois que la frappe est finie. En d’autres termes, il s’agit de frapper en donnant un coup de pied vers l’arrière. Même s’il ne le précise pas ici, tout comme la guardia di croce, le même mouvement de jambe est sans doute à réaliser.

Synthèse

Voici décrit sous forme de tableau les différentes actions de cette première partie.

Garde

Déplacement

Frappe

Cible

Guardia di testa

 

Falso impuntato

Côté droit

 

Pas avant jambe gauche à gauche

Mandritto

Tête

 

Pas avant jambe droite

Mandritto Tramazzone

 

Porta di ferra larga

Pas avant jambe droite à gauche

Guardia di faccia

Visage

 

Pas avant jambe gauche à gauche

Roverso Fendente

Tête

Coda longa alta

Ramène jambe gauche à côté de la droite

Guardia di Croce

Face

Guardia di Croce

Pas arrière jambe droite de deux empans

   
 

Fort pas arrière jambe gauche (gamba levata)

Falso dritto montant

Mains

Porta di ferro alta

     

La direction des pas est toujours donnée par rapport à la personne exécutant l’assaut.

Interprétation

Et pour finir voici mon interprétation en vidéo.

Sur le ralenti, on peut constater que je ne prends pas pas correctement la porta di ferra larga, je suis plutôt en porta di ferro stretta, et que ma guardia di croce est un peu trop haute. Cela devra être corrigé pour la démonstration bien entendu.

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